Être gouverné, c'est être, à chaque opération, à chaque transaction, à chaque mouvement, noté,
enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, coté, cotisé , patenté, licencié, autorisé, apostillé,
admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé.
Pierre-Joseph Proudhon, Idée générale de la Révolution au 19e siècle, Garnier frères, Paris, 1851.
Qui dit réforme, dit changement. Oui... Je sais, ça fait chier.
Mais actuellement, personne, que ce soient les membres du gouvernement ou les citoyens, ne sait exactement de quoi il retourne, comme si cette réforme était fondée sur un écheveau de constatations qui déroule un interminable fil d'Ariane d'embrouilles discursives pour former finalement une pelote de solutions difficiles à démêler. Macron y tricote un verbiage entretenu avec un talent certain, d'autant plus que pauvres imbéciles que nous sommes, " nous ne comprenons pas tout ", comme nous l'a gentiment signifié le ministre de l'éducation.
L'un après l'autre, nos coachs professoraux présidentiel et ministériels montent au créneau de nos cervelles décervelées avec pour mission de " recaler le sens, le pourquoi, le comment, les bons mots, la communication avec les éléments de langage. Bref, la bonne ligne, la bonne communication, le bon plan d'action.", un mantra " universalité, équité et responsabilité " et un but inavoué : que cette réforme comporte des mesures sociales, car " si nous voulons parler à l'électorat populaire, tenté par le vote RN, ce ne peut être que du sel. "
Travaux pratiques dirigés en coulisse pour une gestion du slogan de l'ère macroniste : " nous vous avons entendu ", qui malheureusement ne résonnera jamais ni en paillardise ni en condescendance du non moins célèbre " je vous ai compris "
A l'Élysée, le jeudi 5 décembre est qualifié comme " un mur ". Et pour ne pas s'y casser la tête, il faut l'abattre. Castaner s'en charge déjà à coups de boutoir anxiogènes, nous mettant en garde contre les " casseurs des Gilets jaunes radicalisés s'en mêlent. Le risque de tensions est réel. On s'y prépare. " A coups de lacrymo, de grenades de désencerclement, de LBD et d'infiltrations ? D'autant plus que, kéké dans l'âme, notre ministre de l'intérieur précise : " n 'intériorisez pas le fait que l'on reculera sur les retraites, ce ne sera pas le cas car cette réforme est juste. " On tient la barre, les mecs !
Oui... Je sais, ça fait chier ce combat avorté de têtes de mules " trop intelligents, trop subtils " contre têtes de pioches - les syndicats - et têtes de cons, nous autres.
Oubliée la grogne générale qui plonge ses racines non dans le futur présupposé d'un horizon post-électoral, mais dans un présent sans cesse raboté et liberticide où le pognon de dingue arrondit toujours les mêmes poches, entre politique et actionnaires, entre magouilles " on garde le cap " et pas touche à nos privilèges, tandis que les fins de mois de bon nombre d'entre nous se font, elles, les poches ! Faut pas pousser tout de même ! " Ce n'est pas la rue qui gouverne ! ", se gausse Raffarin qui lui doit pourtant d'être là où il est.