Le début de "De l'autre côté du miroir". (c) Grasset-Jeunesse.
En 1974, dans la vague créative de l'après-mai 68 qui ébranlait aussi la littérature de jeunesse, Nicole Claveloux, 34 ans, publiait crânement sous la houlette de François Ruy-Vidal et Bernard Bonhomme une version illustrée des "Aventures d'Alice au Pays des merveilles" de Lewis Carroll ("Alice's Adventures in Wonderland", 1865, traduit en 1969 de l'anglais par Henri Parisot, Grasset-Jeunesse, 98 pages). Un grand format quasiment carré, en texte intégral, très bien traduit en français et joliment imprimé en couleur bronze.
D'une modernité alors incontestable, ses illustrations se montraient à la fois lumineuses, poétiques, et insolites, complètement en accord avec ce chef-d'œuvre de l'antilogique qu'Henri Parisot a su parfaitement traduire en français. Vignettes monochromes et pleines pages couleurs ont marqué durablement les esprits et poussé à lire ce texte incontournable.
Aujourd'hui, quarante-cinq ans après ce coup de maître, la géniale créatrice française est enfin parvenue à ses fins. En effet, à Moulins en 2015, elle me disait que les images de la suite d'Alice, "De l'autre côté du miroir", étaient terminées et qu'il n'y avait plus qu'à imprimer l'album. Le voilà donc, ce "De l'autre côté du miroir et ce qu'Alice y trouva", de Lewis Carroll ("Through the Looking-Glass, and What Alice Found There", 1871, traduit en 1968 de l'anglais par Henri Parisot, Grasset-Jeunesse, 98 pages), tant voulu par Nicole Claveloux, pionnière de la littérature de jeunesse de qualité.
Dans un format quasiment carré, identique à son célébrissime "Alice" qui, longuement introuvable, avait bénéficié d'une réimpression quasiment à l'identique en 2013, sous la houlette de l'épatante éditrice Valeria Vanguelov.
"De l'autre côté du miroir" par Nicole Claveloux. (c) Grasset-Jeun.
Parcourir ce nouveau grand format est un pur bonheur, que l'on découvre à cette occasion le formidable travail graphique de Nicole Claveloux ou qu'on la suive depuis longtemps. Car son "De l'autre côté du miroir" s'enrichit très subtilement de ses œuvres précédentes - elle a beaucoup publié, une soixantaine d'ouvrages, et peint de nombreux tableaux, au cours des quatre décennies écoulées.
"De l'autre côté du miroir". (c) Grasset-Jeunesse.
Il s'agit effectivement d'un album événement comme l'annonce l'éditeur. On y retrouve la patte de l'illustratrice d'Alice dans les différents chapitres, mis en lumière par des vignettes en noir et blanc et de pleines pages couleurs. Mais le trait s'est affirmé et l'inspiration encore plus libérée. Portraits d'Alice dans différentes situations, dont la traversée initiale du miroir bien entendu, scènes avec des animaux ou des monstres, variations sur Heumpty Deumpty, tout cela est enchanteur. Du grand Claveloux! On reconnaît ici un air de "Dedans les gens", là des amateurs de bisous et c'est régalant. "Je n'ai jamais mis de barrières entre les dessins pour enfants et adultes", explique Nicole Claveloux. "Lorsque je dessine, je ne me pose pas de questions. Jamais je ne me suis dit: ce dessin est spécialement conçu pour les enfants. Mais il existe des lectures à plusieurs niveaux, non?""De l'autre côté du miroir" par Nicole Claveloux. (c) Grasset-Jeun.
Il suffit de se confier aux dessins de Nicole Claveloux pour voguer impeccablement sur le texte jusqu'à la dernière phrase de Lewis Carroll: "Vivre, ne serait-ce qu'un rêve?"