Munkey Diaries - Jane Birkin
Journal, 1957-1982Fayard (2018)
Il y a bien longtemps que l’on sait que Jane Birkin n’est pas que cette grande perche anglaise, fofolle et fantasque, telle qu’elle apparaissait à la télévision dans les années soixante-dix, avec son panier en osier, son accent à couper au couteau et ses mines charmantes et faussement ingénues. Longtemps que les épreuves de la vie ont laissé entrevoir une femme plus profonde, plus complexe, une mère aimante et courageuse, une muse avec une cervelle et une sensibilité extrême.
Dans ce livre composé d’extraits de son journal intime de 1957 à 1982 et dans les commentaires qu’elle en fait, on découvre des aspects privés de sa vie, ceux qu’elle a choisi de publier : sa famille, son enfance, son adolescence et ses débuts au théâtre et au cinéma.
On revisite aussi ce que l'on croyait savoir d'elle, son mariage avec John Barry, la naissance de Kate, la séparation, son arrivée en France et la rencontre avec Serge Gainsbourg, leur vie commune, les enfants, les films et les chansons. Mais là, c'est elle qui a la parole et ça change tout.
Ce qui m’a frappée, c’est son manque de confiance en elle, le besoin d’amour qui la pousse vers des êtres parfois incapables de répondre à ses attentes. Elle est souvent en pleine insécurité et fait toujours face, elle assume ses choix.
Aussi bien dans les extraits que dans ses commentaires, j’ai ressenti une force de vie intense, une soif de liberté qui est parfois bridée par les circonstances. On se doutait que sa vie avec Serge Gainsbourg n’avait pas dû être toujours simple, le livre le confirme. Mais j’ai été surprise, par exemple, de découvrir qu’elle ne se sentait pas vraiment chez elle dans la grande maison de la rue de Verneuil et qu’elle peinait à y avoir un endroit rien que pour elle.
J’ai été aussi frappée par sa grande culpabilité lorsqu’elle doit faire le choix de quitter Gainsbourg pour Jacques Doillon, on sent le dilemme où elle se trouve et la douleur qu’elle éprouve à l’idée de faire du mal à celui pour lequel elle dit toujours sa tendresse. Elle décrit très bien son soulagement qu’ils aient pu continuer leur collaboration artistique.
D’autres belles pages dans ce livre lorsqu’elle évoque ses filles, cela ne surprend pas, Jane Birkin a su, à mon avis, figurer un nouveau modèle de mère moderne, loin des images traditionnelles.
Voici ce qu’elle écrit dans son journal à sa fille Kate, le jour de ses 13 ans :
(…)Ma pauvre petite fille que j’aime, j’espère que je t’ai dit des choses rassurantes, que personne ne s’éloigne s’il n’en a pas envie, de ne pas troubler sa tête avec les responsabilités, de regarder Isabelle, 20 ans et gaie et jeune et toujours sans responsabilités, que personne ne change dans la nuit, demain ne sera pas différent d’aujourd’hui, chaque âge est un âge beau et nouveau, et de ne pas avoir peur, de me pardonner si parfois je n’étais pas non plus une mère parfaite, que pour moi aussi c’est une première fois et qu’elle pourrait se serrer contre moi quand elle voudrait, que je l’aime. Je l’ai bercée dans mes bras comme un bébé, elle qui s’est jetée dedans comme un oiseau effrayé et ma tendre Kate s’est endormie doucement comme quand elle avait un an. Voici comme rien ne change, les pauvres enfants ne changent pas. Peut-être par pudeur, nous, on change par crainte de les choquer, par respect de cet enfant qui devient jeune fille et on se trompe, elles ont autant besoin de nous qu’avant, mais elles aussi, par pudeur, n’approchent plus des bras qui pourtant de demandent que ça. (…) (page 318 - 8 avril 1980)
Un beau témoignage, tantôt pudique, tantôt impudique, qui met en évidence que derrière un mode de vie complètement éloigné du nôtre banal et anonyme, se vivent aussi des sentiments, des émotions semblables aux nôtres, dont on perçoit l’universalité.
Le deuxième tome du journal de Jane Bikin est paru, Post-scriptum, il couvre les années 1982 à 2013. Je sais qu’il est déjà à la médiathèque, je le lirai prochainement, j’ai déjà hâte !
Le joli billet de Books, moods and more sur ce livre.