Récompensé par le prix Goncourt l'année dernière, ce roman qui attend que je le lise depuis Noël dernier m'intriguait vraiment. Je m'attendais à être transportée, avec une certaine nostalgie, dans mes jeunes années et ce ne fut pas le cas.
Voici, pour rappel, la quatrième de couverture :Avec ce livre, Nicolas Mathieu écrit le roman d'une vallée, d'une époque, de l'adolescence, le récit politique d'une jeunesse qui doit trouver sa voie dans un monde qui meurt. Quatre étés, quatre moments, de Smells Like Teen Spirit à la Coupe du monde 98, pour raconter des vies à toute vitesse dans cette France de l'entre-deux, des villes moyennes et des zones pavillonnaires, de la cambrousse et des ZAC bétonnées. La France du Picon et de Johnny Halliday, des fêtes foraines et d'Intervilles, des hommes usés au travail et des amoureuses fanées à vingt ans. Un pays loin des comptoirs de la mondialisation, pris entre la nostalgie et le déclin, la décence et la rage.
J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans cette histoire : les personnages ne sont pas immédiatement attachants, le style me laissait de marbre quand il ne m'agaçait pas avec ses grossièretés et l'histoire était un peu plate. Evidemment, raconter la vie de jeunes qui s'ennuient dans un coin de la France laissé à l'abandon par la mondialisation et les décisions politiques, c'est un véritable défi. Je me suis pourtant accrochée et je ne le regrette pas.
Finalement, cette histoire, c'est surtout celle du passage à l'âge adulte, un passage délicat qui n'est pas un vrai départ, puisqu'on promène avec soi des casseroles, des querelles, des familles, des situations sociales, mais qui oblige quand même à prendre un grand nombre de décisions alors qu'on ne sait rien, qu'on ne comprend pas tout. Les destinées d'Anthony, de son cousin, de Steph et de Hacine se croisent et se rejoignent en un seul point : il faut grandir, il faut se construire. Heillange apparaît comme un microcosme : en tant que tel, cette ville a un passé, il y a des us et coutumes particuliers, des guerres intestines et les enfants n'ont que deux possibilités, composer avec ou fuir.
J'ai ressenti une vraie colère face aux injustices décrites dans ce récit : les pères au chômage, les alcooliques, la stigmatisation des Arabes de la ZUP, l'espèce de reproduction qui conduit les enfants à faire les mêmes choix, les mêmes erreurs que leurs parents, et pourtant, oui, on reconnaît des choses que l'on a senties, entendues pendant notre enfance. J'ai, en ce qui me concerne, eu la chance de vivre en ville, mais pas en cité ; en région parisienne mais pas dans des barres d'immeubles. Je n'ai pas connu toute cette misère humaine qui rend, il faut l'avouer, le roman un peu glauque. Je crois en la vraisemblance de tout ce qui est raconté ici, mais pour le coup, ce n'est pas vraiment enchanteur. Aucune échappatoire pour Hacine et pour Anthony, l'avenir ne semble pas prometteur, et je ne parle pas seulement d'avenir social. Cette jeunesse apparaît comme sacrifiée dans une certaine mesure. Je n'ai pas particulièrement retrouvé ma génération dans ce roman.
Mention spéciale, toutefois, à la dernière partie qui se passe entre la demi-finale et la finale de la Coupe du Monde 1998. La description du contexte m'a redonné des frissons, j'y ai retrouvé l'euphorie, l'émotion, la solidarité, la fierté d'être français dont j'avais été témoin à l'époque. Et j'avoue que j'y ai pris beaucoup de plaisir.
Une lecture en demi-teinte donc : humaine, psychologique et en cela plutôt riche et vraisemblable, mais un tantinet trop glauque et négative pour moi...
Qu'en avez-vous pensé, vous qui l'avez lu ?
Priscilla