J'aime découvrir des parcours de vie et des destins, surtout ceux oubliés, écartés.
Cela me procure autant de joie que de coups au cœur.
J'aime que la littérature (dite de) jeunesse me permette de faire ces rencontres, d'apprendre (toujours), puis m'encourage à aller au-delà, à faire mes recherches et à les partager.
J'aime l'écriture de Sandrine Beau.
Et je suis plus que ravie de la retrouver avec ce nouveau portrait féminin, servi par une magnifique couverture et un titre qui promet curiosité, rêve et aventure.
Car, avant " La cascadeuse des nuages ", Sandrine Beau m'a permis de découvrir Alice Guy Blaché et Anna Pavlova.
La cascadeuse des nuages
Sandrine BEAU
Illustration de couverture de Nicolas FRANCESCON
Editions Alice Jeunesse, collection "Tertio", septembre 2019
152 pages
Dès 10 ans
Thèmes : Biographie, France, Aviation, Début XXe siècle, Condition féminine, Exploit, Roman choral
La Cascadeuse des nuages s'appelle Elise (on trouve aussi Elisa) Deroche et elle est la première femme au monde à avoir obtenu son Brevet de Pilote-aviateur, le 8 mars 1910.
Lorsque nous faisons sa connaissance en novembre 1910, elle a 28 ans et le corps fracassé.
Pourquoi ?
C'est ce que nous allons découvrir par le biais de deux voix, qui font s'alterner les chapitres, générant suspense et empathie.
Il y a la plume d'Elise qui remonte le temps grâce à ses carnets d'écriture, offerts par sa si avisée gouvernante, Miss Charity, avec qui elle a ensuite correspondu.
Dedans, Elise dévoile son caractère anticonformiste, ses envies d'émancipation et d'ailleurs, sa volonté de s'affranchir des carcans de la condition féminine et familiale d'alors, ses rêves de comédie et de Beaux-Arts, puis sa rencontre avec Charles Voisin, qui lui fait découvrir les biplans, lui donne des cours de pilotage, l'accompagne dans ses déplacements.
" C'est ta façon d'entrer en résistance ", m'écrivait-elle, " comme les femmes sont en train de le faire un peu partout, dans notre vieille Europe, et plus loin. "
Et il y a celle d'Anatole, 10 ans et frère d'Elise, qui parle au présent et est son premier admirateur.
C'est par ses yeux que nous découvrons l'impétuosité, l'excitation, l'audace et les prouesses d'Elise dans les airs, à Issy et lors des différents meetings où elle se rend, en France comme à l'étranger.
Nombreux sont les hommes à déplorer cette "sortie" des femmes qui devraient rester à "leur place". Avec Charles et Dino le mécanicien, Anatole reste constamment sur ses gardes et cherche à protéger sa sœur des remarques, insultes, mais aussi des menaces et peut-être même sabotage.
-Franchement, mettre un pantalon, un pull d'aviateur et un bonnet, quand on est une belle femme comme vous, c'est du gâchis !
-Franchement, avoir des idées aussi arriérées quand on a reçu une belle éducation comme la vôtre, c'est du gâchis.
C'est même pire en fait : c'est une insulte à l'intelligence !
Voilà la réponse que lui a faite Elise.
C'est ainsi que Sandrine Beau nous raconte le commencement de la grande passion, vivifiante, novatrice, folle, si grisante, et force d'exemple d'Elise pour l'aviation, que rien ne vient entamer.
Sa volonté de fer lui permet d'enchaîner les entraînements et les meetings aériens auxquels quelques femmes commencent à participer, avec même un Prix créé spécialement pour elles. Comme de se relever malgré les échecs ou blessures.
Nous y croisons aussi les grands noms (masculins) des débuts de l'aviation, comme nous ressentons l'effervescence et l'émulation de la population pour cette conquête des airs, couverte par les médias.
Il faut dire que les pilotes remportent un succès grandissant partout où ils passent. C'est un peu la folie du moment.
Chaque ville veut avoir sa Semaine d'Aviation et accueillir les héros du ciel. Les aviateurs viennent faire des démonstrations et concourent pour remporter des prix de plus en plus élevés.
La cascadeuse des nuages est un roman captivant qui nous dresse un portrait saisissant d'Elise Deroche (surnommée plus tard Baronne Raymonde de Laroche) et nous donne envie d'en d'avoir plus sur elle et sur ces pionniers et pionnières de l'aviation comme sur cette époque en plein changement technologique mais aussi sociétal.
intrigué, mon 8 ans a regretté de ne pas trouver Elise Deroche dans le tome 1 d'Histoires du soir pour filles rebelles. (Nous n'avons pas encore le 2)
Un autre portrait d'aviatrice (et pas seulement !) croisé dans un roman jeunesse : celui de Marie Marvingt dans Le mystère de la chambre noire de Serge Rubin.
Retrouvez tous les livres de Sandrine Beau sur le blog ICIEt CLIC pour en apprendre davantage sur elle et LA pour d'autres portraits de pionnières.
L'interview qui lui est consacrée LA , et dans laquelle, il est un peu question d'Elise Deroche!
Belles lectures et découvertes,
Blandine