Jean Folantin, célibataire d'une quarantaine d'années, mène l'existence monotone d'un commis de bureau d'autant qu'il a tiré un trait sur toute vie sentimentale, " maintenant les amours étaient bien finies, les élans bien réprimés ; aux halètements, aux fièvres avaient succédé une continence, une paix profonde ; mais aussi quel abominable vide s'était creusé dans son existence depuis le moment où les questions sensuelles n'y avaient plus tenu de place ! " Par contre, comme chacun sait, le seul plaisir qui puisse durer jusqu'à notre dernière heure, est le plaisir de la table. Encore faut-il trouver une bonne adresse et c'est là, le sujet de cette nouvelle et l'activité principale de Folantin. Trouver une gargote, un bouillon ou une taverne où la viande soit mangeable et la nappe relativement propre, ne sera pas une mince affaire...
Si ce Jean Folantin est le prototype parfait du petit fonctionnaire célibataire qui végète dans son coin - un personnage que l'on croise souvent dans la littérature de cette époque - c'est aussi, le clone de l'auteur qui met beaucoup de lui dans cette nouvelle. Les lieux sont ceux que Huysmans à beaucoup fréquentés, ce quartier de Paris qui s'étend entre Saint-Germain-des-Prés et Saint-Sulpice, les restaurants sont souvent ceux où Huysmans mangeait et comme l'écrivain, Folantin est un fonctionnaire s'ennuyant dans son travail. La seule différence, de taille, entre ces deux-là, l'un erre l'esprit vide quand l'autre vit sa passion, écrire.
Une vie terne, sans passions, sans buts. Une existence comme suspendue dans le temps et qui n'a pour se raccrocher au réel que ce banal et trivial souci, trouver un restaurant correct pour manger ! D'autres écrivains écriraient et ont écrit sur la quête de l'amour, Huysmans choisit la recherche de nourriture. A défaut d'amour qu'on trouve un plaisir. Voilà qui ne manque pas d'originalité.
Si le lecteur s'amuse souvent devant les déboires endurés par le malheureux Folantin, il devra néanmoins accepter le constat final pessimiste : " Allons, décidément, le mieux n'existe pas pour les gens sans le sou ; seul, le pire arrive. "
" Ni le lendemain, ni le surlendemain, la tristesse de M. Folantin ne se dissipa ; il se laissait aller à vau-l'eau, incapable de réagir contre ce spleen qui l'écrasait. Mécaniquement, sous le ciel pluvieux, il se rendait à son bureau, le quittait, mangeait et se couchait à 9 heures pour recommencer, le jour suivant, une vie pareille ; peu à peu, il glissait à un alourdissement absolu d'esprit. Puis, il eut un beau matin, un réveil. Il lui sembla qu'il sortait d'une léthargie ; le temps était clair et le soleil frappait les vitres damasquinées de givre ; l'hiver reprenait, mais lumineux et sec ; Folantin se leva, en murmurant : fichtre, ça pince ! il se sentait tout ragaillardi. Ce n'est pas tout cela, il s'agirait de trouver un remède aux attaques d'hypocondrie, se dit-il. "