S’il y a quelqu’un qui n’était pas bien disposé à lire un roman au titre doudou d’un auteur belge, c’était moi. Heureusement, les billets de blogues tentateurs ont fait leur boulot. Les mots de Fanny et d’Hélène m’ont interpellée. Moi aussi, j’ai eu envie de faire la connaissance d’Alice la future chômeuse, mère d’un petit Achille, et de Tom l’écrivain en manque de notoriété. J’ai eu envie d’assister à leur rencontre improbable. Et quelle rencontre…
Feel good est à la fois une satire sociale et une satire du milieu littéraire. Il y est question de précarité et de chômage, de cynisme, d’hypocrisie et d’égoïsme. Mais aussi, et surtout, de courage, d’audace et d
’ouverture à l’autre. Le style de Thomas Gunzig est incisif, enlevé. Même les scènes les plus crève-cœurs font sourire. Bon, parfois les fils blancs dépassent, mais c’est voulu et ça ne m’a pas gênée. J’ai été bon public.J’ai eu un coup de foudre pour Alice, poussée par l’énergie du désespoir.Alice semblait être portée par une énergie à la fois bizarre et puissante, elle lui avait fait penser à un de ces renards pris au piège capables de se ronger la patte pour s’en sortir. Elle semblait être capable de tout.Le portrait du milieu littéraire est particulièrement cinglant. Les manigances et bassesses mises en oeuvre pour attirer les lecteurs sont désopilantes. Les blogueurs et bookstagrameurs en prennent pour leur grade et c
’est jouissif! Le regard de l’écrivain sur lui-même est d’une honnêteté impitoyableC’était une phrase qui sentait l’effort de l’auteur, une phrase qui sentait le tâcheron au travail, l’élève appliqué dos courbé et tirant la langue, une phrase mort-née. Il aurait été lecteur, il aurait fermé le livre à cet endroit.Cerise sur le sundae: tous les codes du roman feel good y sont dévoilés.- C’est quoi le feel good book?- C’est un livre «pour se sentir bien». En gros, on doit présenter la vie sous un angle positif, faire des portraits de personnages qui traversent des épreuves compliquées mais qui s’en sortent grandis. Ce sont des histoires dans lesquels l’amitié triomphe de l’adversité, dans lesquelles l’amour permet de surmonter tous les obstacles, dans lesquelles les gens changent mais pour devenir meilleurs que ce qu’ils étaient au début...
- Aaaaah, il faut parler de résilience et de conneries comme ça?- Oui, par exemple, il y a pas mal de psychologie. Mais de la psychologie à trois sous, des notions pas du tout approfondies, des choses très basiques que le lecteur doit saisir en un instant, il y a souvent un petit côté «développement personnel» et puis faut pas hésiter à avoir la main lourde sur la spiritualité. La spiritualité, ça va donner au lecteur l’impression de faire partie d’un tout plus grand que lui, qu’il a accès à la transcendance, que des anges veillent sur lui ou des trucs du genre...
Du feel good intelligent, brillant. Une dose de vitamines intellectuelles et de baume au coeur.Feel good, Thomas Gunzig, Au diable vauvert, 400 pages 2019.
★★★★★