Le Sillon est un objet littéraire hybride et étonnant. À travers ce pamphlet du pouvoir turc en place, Valérie Manteau y narre l'ascension, le penchant sécuritaire actuel et les nombreuses exactions liberticides. Part d'autofiction également, Le Sillon jalonne les moments de vie amoureuse du double littéraire de son autrice. Enfin, Le Sillon est avant tout un hommage littéraire (un extrait de biographie) appuyé à Hrant Dink journaliste turc d'origine arménienne, créateur de l'hebdomadaire Agos (mot commun au turc et à l'arménien, qui signifie le sillon), assassiné par un nationaliste turc. Homme de paix et de conscience, Hrant Dink a œuvré à la fois au processus d'adhésion de la Turquie à l'Union Européenne mais aussi à la reconnaissance par l'État turc du génocide arménien.
Le Sillon est un ouvrage étrange, agréable à lire, dynamique par ses nombreuses digressions qui exigent une bonne dose de concentration : on passe des doutes de l'héroïne, sa vie intime disséquée, son questionnement autour de la situation politique turque, son cheminement pour atteindre son objet d'étude - la vie d'Hrant Dink-. On y retrouve la fière et splendide Istanbul que j'aimerais bien revisiter ; on y découvre les opposants pacifistes à la politique d'Erdogan, les nombreuses gardes à vue, périodes d'emprisonnement et intimidations dont ils furent victimes sont les premiers témoignages d'un pouvoir autoritaire.
Il y a quatre choses infiniment réussies dans Le Sillon :
En résumé:
Le Sillon est un livre prenant, qui mérite son prix Renaudot 2018. Un objet littéraire, intéressant, ambitieux et complet, exigeant. Le Sillon vaut aussi pour le style littéraire nerveux et actif de Valérie Manteau, la découverte du passé récent de la Turquie (ce qui fonde ce pays et construit son âme), les descriptions fanstastiques d'Istanbul (splendide capitale, riche culturellement, et dont le fleuve qui la traverse - le Bosphore- offre des doux instants romantiques).
Je suis sincèrement admirative de la plume et de l'intelligence de Valérie Manteau qui a réussi cette prouesse de composer une œuvre chorale à la fois journalistique, politique, géographique et romancée, le tout dans une grande cohérence.
Éditions Le Tripode
Avis : Sylire , Keisha,
Le Sillon est un ouvrage étrange, agréable à lire, dynamique par ses nombreuses digressions qui exigent une bonne dose de concentration : on passe des doutes de l'héroïne, sa vie intime disséquée, son questionnement autour de la situation politique turque, son cheminement pour atteindre son objet d'étude - la vie d'Hrant Dink-. On y retrouve la fière et splendide Istanbul que j'aimerais bien revisiter ; on y découvre les opposants pacifistes à la politique d'Erdogan, les nombreuses gardes à vue, périodes d'emprisonnement et intimidations dont ils furent victimes sont les premiers témoignages d'un pouvoir autoritaire.
Il y a quatre choses infiniment réussies dans Le Sillon :
- Valérie Manteau arrive très bien à expliquer la démarche de création chez un reporter, le cheminement intellectuel de son héroïne, en quoi son questionnement quotidien fait partie de son boulot de journaliste et le construit. Les doutes de l'héroïne sont aussi importants et créateurs car ils lui procurent des idées qui partent dans tous les sens. Et ce sont les réponses (ou non-réponses) de ses proches, de personnages politiques (qui ont connu ou peu Hrant Dink) qui vont l'aider à façonner son projet final de documentaire.
- Aucun état d'âme n'est intrusif. L'héroïne arrive à s'effacer devant le personnage emblématique de Le Sillon, celui qui doit recevoir la lumière, celui qui est enfin voué à la lumière, Hrant Dink. L'héroïne - son évolution, ses aventures, sa quête- sert le discours que Valérie Manteau jauge avec intelligence et finesse.
- Le Sillon est l'occasion de refaire un tour de l'Histoire turque (d'Atatürk à Erdogan) et de mettre aussi en perspective les récents événements français, parce que l'exil aide à la prise de recul et de conscience.
- L'exploration d'Istanbul, la ville d'adoption de l'héroïne, mise en lumière ici, témoin de l'(en)quête, ville mouvante, vivante et qui me tarde de revoir... vraiment ! Istanbul est merveilleusement décrite dans Le Sillon.
- Les quarante dernières pages du livre me semble moins travaillés, enfilent les événements comme s'il y avait urgence à achever l'histoire ou à exprimer une sorte de valse historique. Je trouve que la fin de l'ouvrage aurait mérité un traitement plus transitoire que ce qu'il est.
- Je l'ai déjà dit et je me répète donc : cette lecture nécessite une vive attention par le nombre important de personnages ou de citations, par les changements réguliers d'interlocuteurs. J'ai eu cette concentration sur le court terme (le temps de ma lecture) mais pas suffisamment sur le long terme car ce roman souffre un peu de l'épreuve du temps : peu d'images me restent en tête après des mois de lecture. J'ai appris en le lisant (notamment sur la politique turque et les mouvements arméniens) mais, après quelques mois suivant cette lecture, j'ai finalement peu retenu (peut-être en raison du flot d'informations et de protagonistes et parce que je n'étais pas suffisamment attentive pour tout conjuguer). Le Sillon est donc assurément un livre à conserver pour s'y référer régulièrement en cas d'absence mnésique.
En résumé:
Le Sillon est un livre prenant, qui mérite son prix Renaudot 2018. Un objet littéraire, intéressant, ambitieux et complet, exigeant. Le Sillon vaut aussi pour le style littéraire nerveux et actif de Valérie Manteau, la découverte du passé récent de la Turquie (ce qui fonde ce pays et construit son âme), les descriptions fanstastiques d'Istanbul (splendide capitale, riche culturellement, et dont le fleuve qui la traverse - le Bosphore- offre des doux instants romantiques).
Je suis sincèrement admirative de la plume et de l'intelligence de Valérie Manteau qui a réussi cette prouesse de composer une œuvre chorale à la fois journalistique, politique, géographique et romancée, le tout dans une grande cohérence.
Éditions Le Tripode
Avis : Sylire , Keisha,