Le boiseleur – Tome 1: Les mains d’Illian (Gaëlle Hersent – Hubert – Editions Soleil)
Qu’est-ce qu’un boiseleur? Pas la peine de chercher ce mot dans le dictionnaire, car il n’existe pas. Ou, du moins, pas encore. Il s’agit d’un terme imaginaire, qui combine les mots « bois » et « oiseleur », c’est-à-dire une personne qui attrape des oiseaux. L’activité de « boiseleur » correspond bien au jeune Illian, un ouvrier qui travaille dans l’atelier de Maitre Koppel. Ce dernier est un patron à la fois vaniteux et sévère, qui exploite son apprenti sans le moindre scrupule. Mais Illian n’en a cure, car il aime les plaisirs simples. Il est heureux de pouvoir simplement exercer son art, d’autant plus que le fait de travailler dans l’atelier de Koppel lui permet d’échanger de temps à autre des sourires avec Flora, la jolie fille de son maître. Ce qu’Illian aime par-dessus tout, c’est déambuler dans les rues de Solidor, en fermant les yeux pour écouter les chants cristallins des milliers d’oiseaux qui peuplent la ville. Les habitants de Solidor sont passionnés par les oiseaux exotiques. Il est vrai que les plaisirs sont plutôt rares dans cette ville très isolée, bâtie à l’extrémité d’une presqu’île et entourée par des hautes montagnes pratiquement infranchissables. Dans l’atelier de Maître Koppel, Illian fabrique des magnifiques cages à oiseaux en bois, soigneusement et finement sculptées. Lui-même rêve d’avoir son propre oiseau, mais son maître ne le paye pas assez pour qu’il puisse s’en payer un. Alors, un soir, Illian décide de sculpter un petit oiseau dans un rebut de bois tendre jeté dans un coin de l’atelier. Comme d’habitude, son maître veut le punir, mais le commerçant change d’avis lorsqu’il se rend compte que les oiseaux en bois d’Illian ont un succès fou auprès de sa clientèle. Petit à petit, les oiseaux en bois vont remplacer les vrais oiseaux de Solidor…
La première chose qui frappe en découvrant ce premier tome de la série « Le boiseleur », c’est qu’il s’agit d’un très bel objet, magnifiquement mis en page. Les dessins de Gaëlle Hersent se révèlent à la fois délicats et poétiques, avec des doubles pages d’illustration qui sont un vrai régal pour les yeux. La dessinatrice n’hésite pas à sortir des cases, ce qui participe clairement au plaisir de lecture. Le scénario est, lui aussi, très réussi. Il est vrai que le nom Hubert sur la couverture d’une bande dessinée représente en général un gage de qualité, dans la mesure où ce dernier est à coup sûr l’un des scénaristes les plus doués et les plus originaux du moment. C’est à lui qu’on doit notamment la BD « Beauté », qui raconte l’histoire cruelle d’une jeune femme très laide transformée en beauté parfaite grâce au sortilège d’une fée. Mais cette beauté va vite se révéler être une malédiction! On lui doit également l’excellente BD « Monsieur désire? », une autre histoire plutôt sombre sur une relation trouble entre un maître et sa servante dans l’Angleterre victorienne. Avec « Le boiseleur », un récit intemporel, il marque une nouvelle fois les esprits. Il s’agit d’un conte philosophique qui peut s’apprécier au premier degré, mais qui contient également un message plus universel, puisqu’il dénonce le consumérisme. Dans ce récit, les objets en bois ne suscitent pas seulement la convoitise, mais finissent carrément par remplacer les êtres vivants. Seul petit bémol par rapport à ce tome 1 de la série « Le boiseleur »: ce premier album constitue avant tout une longue introduction, qui permet d’installer les personnages et l’intrigue. On espère donc que les auteurs ne vont pas trop tarder à boucler le tome 2, car on a hâte de découvrir la suite!