► Titre : Les animaux de Koadeg Auteur : Hugo Thomas Sorti le 17 juillet2019 Lu en décembre Auto-édition (420 pages) Genre : fantasy
► 4eme de couverture :
Depuis que nous, êtres humains, ne croyons plus en la magie, celle-ci a entièrement disparu de la surface de la terre. En perdant ce puissant lien qui nous unissait à la nature, nous sommes devenus petit à petit hermétiques à la souffrance que nous lui infligeons. Ainsi, portés par notre instinct de domination, nous avons cru qu'elle était domptable et que nous en serions les maîtres. Mais au vu des nombreuses catastrophes que nous avons involontairement provoquées, force est de constater que nous nous sommes trompés. Il est donc essentiel de retrouver ce que nous avons perdu : l'enchantement du monde.
Avant sa mort, le plus grand mage de notre temps a mis en lieu sûr les derniers vestiges de la magie. En se sacrifiant pour créer la forêt de Koadeg, un sanctuaire inaccessible aux hommes, il a laissé à ses habitants la lourde tâche de nous rappeler l'existence de la magie.Voici leur histoire.Je remercie sincèrement Hugo Thomas pour ce très beau partenariat et ces superbes heures de lecture.
Mes chers animaux prenez place sur ces rondins de bois et écoutez l’histoire que je m’apprête à vous conter. Ouvrez grand vos oreilles, qu’elles soient longues comme celles des lapins ou plus courtes comme celles des blaireaux. Il y a deux mille ans, la forêt des Koadeg était peuplée de nombreux animaux mais également de créatures magiques. Tous vivaient en harmonie, cohabitant dans ce monde merveilleux dont l’homme ignorait totalement l’existence. La vie y était paisible, rythmée par les récoltes et les naissances. Un véritable paradis, et pourtant, un jour, tout bascula, inévitablement. C'eût été trop beau.
Les élèves se regardaient, cherchant des réponses dans les yeux de leurs voisins. Quelqu’un parmi eux connaissait-il cette histoire ? L’impatience et la curiosité gagnaient peu à peu l’auditoire du vieux hibou. Perché sur une solide branche, il observait de son seul oeil valide l’agitation que son discours avait provoquée. Il laissait les théories fuser, se délectant de l’imagination fertile de ces jeunes animaux. L’homme avait-il fini par découvrir l’existence de ce havre de paix ? Les créatures magiques avaient-elles disparu ? Les animaux s’étaient-ils entre-déchirés ? Les hypothèses allaient bon train. Certains soupçonnaient même une révolte des sangliers ou encore une pétition pour légaliser la vente des champignons hallucinogènes. Un petit écureuil, d’un naturel très réservé mais assoiffé de connaissances, attendit que les discussions s’achèvent pour poser la question qui brûlait les lèvres de tout le monde : Monsieur, que s’est-il passé ? Racontez-nous la suite de l’histoire… Très bien. Promettez-moi simplement de ne pas m’interrompre. Les animaux de la forêt ont progressivement pris conscience qu’ils pouvaient s’organiser afin de mieux vivre ensemble. Logements, magasins, écoles, métiers… Une société a ainsi vu le jour, régie par un ensemble de règles que les bêtes modifiaient au fil des années. Une religion est apparue, ses dieux n’étant autre que les créatures magiques peuplant les lieux : une dryade, un centaure, un ogre, des elfes et même un arbre. Tous leur vouaient un respect mêlé à une pointe d’admiration. Une hiérarchie se dessina alors, les dieux tout en haut, les animaux en dessous. Bien que les multiples espèces s’entendaient à merveille, sans distinction de race aucune, des différences furent effectuées concernant les métiers et les chances de chacun de mener une vie confortable. Ainsi un président fut désigné de même que des ministres chargés de veiller au bon fonctionnement de la forêt.
Eh m’sieur, en fait c’est comme les hommes c’est cela ? Leur société aux animaux elle est toute pourrie si c’est la même chose que les humains… L’oiseau voulait réprimander le jeune souriceau mais s'abstint. Il connaissait bien les ressentiments de ses élèves envers les hommes et il savait à quel point il serait difficile de leur faire changer de discours. Il préféra donc ne rien dire et continua son énoncé comme si de rien n’était. Je disais donc… Ah oui, la politique, bla bla bla. Vous avez compris je crois. Les adultes travaillaient pendant que les enfants allaient à l’école jusqu’à l’âge de quinze printemps. Une fois cet âge atteint, ils devaient, en tenant compte de leurs résultats scolaires, choisir le métier qui serait le leur durant toute leur vie. Autant vous dire qu’il valait mieux bien étudier! (rires étouffés) Du transporteur de marchandises au journaliste en passant par le facteur, la liste des métiers était vraiment très longue. Il s’agissait donc d’un système basé sur la méritocratie, parfois injuste mais plutôt efficace, en apparence.
Arthur Rackham - illustrations
Vous voulez dire que ça ne sert à rien d’avoir des bonnes notes c’est cela ? Donc je peux partir ? C’est un loup blanc, plutôt insolent et téméraire, qui avait posé ces questions. Le hibou les ignora une fois de plus et poursuivit. Les seuls résultats scolaires ne suffisaient pas toujours et posséder le soutien, ou plutôt la pression, d’une bonne famille permettait bien souvent d’obtenir un métier tranquille et bien payé. Ainsi, des écarts voire des fossés se sont créés entre ceux que l’on appelle les riches et les pauvres. Les objets enchantés, comme les sacs extensibles ou encore les champignons chauffants ne réduisaient pas les inégalités, au contraire ! Certains objets devenaient de véritable produit de luxe que seule la “haute” pouvait se procurer. La jalousie ainsi que la convoitise germèrent dans le cœur des uns là où le mépris et l’indifférence gagnèrent celui des autres. En copiant le modèle des sociétés humaines, dont les animaux n’avaient pourtant pas connaissance, le paisible peuple de la forêt changea de visage et se transforma en une gigantesque cité dégueulant politiques et ouvriers, respirant les inégalités à plein nez.
Une douce renarde, très rusée et vive d’esprit prit alors la parole. Mais Monsieur Unicœil, d’autres choses ont dû se produire, vous ne nous dîtes pas tout… Maître Hibou fixement son élève, un petit sourire au coin du bec, avant de reprendre calmement. Je remarque que vous êtes curieux et très attentifs. En effet, les transformations de la forêt de Koadeg sont le fruit de la combinaison de plusieurs facteurs. Je vous ai parlé de l’apparition d’une religion vénérant plusieurs dieux, et bien il s’avère que celle-ci occupe une place essentielle pour ne pas dire vitale au sein même de la société des animaux. Tous les ans des cérémonies officielles et traditionnelles avaient lieu, permettant ainsi de célébrer les dieux tout en effectuant des offrandes. Chaque ville, au sein de la forêt, offrait ce qu’elle pouvait selon ses moyens. Vous comprenez bien qu’il s’agissait davantage d’une démonstration de pouvoir qu’une réelle volonté de témoigner sa foi. Le pire dans tout cela, c’est que les dieux eux-mêmes en avaient conscience et alimentaient en permanence cet engrenage. La religion n’était plus une simple affaire d’opinion et de croyance mais un véritable enjeu politique favorisant ainsi les secrets et les complots. Il arrivait même que les dieux complotent entre eux et tentent de changer le cours des choses, qu’ils ne soient pas totalement transparents et se mettent réciproquement des bâtons dans les roues.
Eh, comment vous savez tout ça au juste ? Ce n’est écrit nulle part! Figure-toi, mon petit Oreillebleue, que les légendes circulent depuis la nuit des temps. On raconte que la première histoire concernant Koadeg remonte à l’an 331 et qu’elle fut ensuite transmise de génération en génération, de conteur en conteur. Le plus vieux se fait d’ailleurs appeler Hugo Thomas et ses talents dans ce domaine ne sont plus à prouver. Il possédait la capacité de captiver son auditoire sans même ouvrir la bouche, son discours était incroyablement fluide et immergeait immédiatement les spectateurs dans un monde merveilleux et imaginaire. Il se dit qu’il fut aidé de plusieurs animaux afin de coller au plus près de la réalité. Il passa de nombreuses années à récolter des témoignages, à les comparer, les analyser, avant de choisir quel point de vue adopter. Ne soyez donc pas surpris d’entendre parler d’Anatole l’écureuil, de Huli le renard ou encore d’Azéria la renarde. D’après ce que Hugo Thomas a pu recueillir, ces jeunes gens, tout droit sortis de l’école, étaient des êtres très attachants mais surtout, c’est sur eux que semblait reposer le destin de la forêt. Une prophétie est même parfois évoquée… Un grand blaireau, très discret jusqu’à présent, leva la patte pour poser une question. Pourquoi choisir des gamins de quinze ans et pas des hommes politiques ou même carrément les dieux ? Cela aurait été plus badass quand même ! Que d’enthousiasme aujourd’hui, vous m’épatez! Le choix de suivre ces adolescents n’est effectivement pas anodin. Vous n’êtes pas sans savoir que le passage de l’enfance à l’âge adulte représente une épreuve, une période difficile durant laquelle vos sens sont éprouvés. Questions, doutes, peurs et appréhensions deviennent votre lot quotidien. Je suis également passé par-là. Huli, Anatole et Azéria, pour ne citer qu’eux, incarnent, à travers leurs récits, ces jeunes déboussolés. Ils sont à votre image, perdus et pleins d’ambition, rêveurs et impulsifs. En vous racontant l’histoire de ces jeunes, je suis certain que vous pouvez vous identifier à eux et cela est très important. Vous vous retrouvez en eux, dans leurs espoirs et désillusions, dans leur caractère et les liens qu’ils tissent. Huli et Anatole, à leur époque, appartenaient à une classe sociale très pauvre là où Azéria vivait parmi la haute société. Les trajectoires de chacun d’eux permettent, aujourd’hui, de comprendre les écarts entre les multiples strates de la société, de saisir l’importance du métier et du statut social, de réaliser l’ampleur des dégâts. Les habitudes et modes de vie n’étaient évidemment pas les mêmes et la confrontation des milieux s’avérait souvent brutale. Leurs parcours respectifs rendent compte de la réalité d’une période, des difficultés de trouver sa place et de se faire accepter.
Maurice de Becque, Le livre de la jungle, 1930
Je souhaite, parce que cela vous plaira sans doute, aborder un peu plus en détails la vie de ces trois animaux incroyables. Huli et Anatole, deux amis d’enfance, ont traversé ensemble de nombreuses épreuves. L’école, les galères, les mauvaises notes… Unis et complémentaires, leurs histoires témoignent d’une vie de misère et de contraintes. Loin de posséder des richesses incroyables, ils exerçaient un métier ingrat et dévalorisant. Insécurité, pauvreté et charge de travail colossale constituaient la routine infernale dans laquelle ils étaient embourbés. Limité non seulement par leurs moyens mais aussi par leur activité professionnelle, il apparaissait bien compliqué de rêver d’un avenir rose et épanouissant. Azéria, à l’opposé, menait ce que l’on pourrait appeler une vie aisée. Fille d’un homme très important et surtout puissant, elle a obtenu le métier qu’elle désirait dans une prestigieuse agence de journalisme. Malgré une situation envieuse, la jeune femme se sentait en permanence épiée, surveillée, comme si on limitait ses mouvements sans qu’elle s’en rende compte. Forte et indépendante, Azéria incarne la renarde prête à tout pour satisfaire ses envies de libertés, pour ne pas se laisser enfermer dans sa condition. À travers ces trois portraits, vous comprenez bien que peu importe le milieu dans lequel vous vivez, les contraintes et barrières sont partout, elles prennent certes différentes formes mais elles n’en demeurent pas moins des obstacles à l’épanouissement de chacun.
Cela n’a pas beaucoup changé aujourd’hui… Constate tristement un sanglier chétif. Les choses évoluent sans cesse mes petits. Les trois individus dont je vous parle sont les témoins d’une ère que nous n’avons pas connu et dont il ne reste que quelques légendes. Ils vivaient dans un univers riche par sa diversité et son originalité, au sein d’une forêt magique aussi fascinante que dangereuse. Leur monde, pourtant féérique, cachait une face bien plus sombre. Sous une certaine tendresse résidait une violence et une souffrance que l’on ne voulait pas regarder dans les yeux. Les animaux politiques au pouvoir mettaient tout en oeuvre pour amadouer et asservir le peuple. Les dieux agissant de concert, nous sommes en droit de nous demander, à l’heure actuelle, qui contrôlait qui ? En pleine chute libre, la société et les dieux de Koadeg nous apparaissent en proie à des difficultés qu’ils peinent à surmonter. Ce système, en partie inégalitaire et mensonger, ne pouvait donc plus durer. Je suis donc d’accord quand vous dîtes que certaines choses n’ont pas changé, mais il convient tout de même de nuancer les propos.
Les élèves de Maître Hibou étaient suspendus à son bec, buvant la moindre de ses paroles. La prunelle de leurs yeux brillait d’un vif éclat, trahissant un intérêt sans cesse grandissant pour l’histoire des animaux de Koadeg. J’ai tenu à tous vous réunir aujourd’hui, autour de cet arbre millénaire, afin d’honorer le passé, de préserver les souvenirs du monde que nos ancêtres ont connu, afin de rendre hommage à l’héritage qu’ils nous ont légué. Je veux que vous preniez conscience qu’unis nous sommes plus forts et que les divisions, aussi absurdes soient-elles, ne font que nous affaiblir. Races, religions, politiques, argent, tout cela nous éloigne les uns des autres, seule la magie possède le pouvoir d’unifier et d’apaiser. Nous devons nous battre pour que les libertés ne meurent pas, pour que nous puissions toujours suivre la voie que nous dicte le coeur.
Le vieil oiseau regarda un à un les animaux, du lièvre au chevreuil en passant par le loup, tous affichaient une gueule radieuse. Jamais ils n’avaient entendu une telle histoire, c’était comme si la forêt de Koadeg existait, comme s’ils pouvaient voir et entendre les animaux, sentir la présence des créatures magiques. Ils étaient à Koadeg le temps du récit de leur professeur, happés par les aventures d’Anatole, Huli et Azéria. Toutefois, la truffe en l’air, tous attendaient la suite. Un petit mulot, galvanisé par les regards encourageants de ses amis, se risqua à poser une question : Que sont devenus les animaux de la forêt ? Loin de satisfaire la curiosité de son auditoire, le conteur déclaré solennellement : le cours est terminé pour aujourd’hui, vous pouvez reprendre vos feuilles de chêne et vos épines de pin. La suite à la prochaine leçon! En attendant, méditez bien sur ce que vous avez appris… Les animaux quittèrent la clairière, des pensées plein la tête, les pattes sur terre mais l’esprit à Koadeg.
► 3 raisons de lire Les animaux de Koadeg :
- Des animaux et des créatures magiques- Une organisation à l'image de celles des hommes, avec ses qualités et ses défauts- Des personnages jeunes et très différents qui sont autant de visages de la société de Koadeg
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