Il paraîtrait que lescomics c'était mieux avant! Qui n'a pas un jour entendu ou lu ce jugement; qui ne l'a même pas un jour pensé, parmi vous autres lecteurs qui avez dépassé la trentaine? Mais pour quelles raisons pourrait-on être tenté de croire que cet adage recoupe la vérité? Tout d'abord, il convient d'être réaliste, lorsque sont apparus les premiers super-héros dans les années 40, puis lorsqu'ils sont revenus furieusement à la mode dans les années 60, tout était encore à écrire. Chaque mois c'était la légende du genre qui prenait vie devant le lecteur. Il est évident que les premières années furent particulièrement prolifiques, aussi bien avec les héros comme pour leurs ennemis, au niveau des rebondissements comme des premières morts, les premiers crossovers... tout ceci était construit à partir de rien et l'imagination débridée permettait d'inventer en faisant feu de tout bois. Clairement quand un personnage a déjà 50 ans de continuité derrière lui, il devient difficile de surprendre tous les 30 jours avec des artifices qui ont la plupart du temps étaient employés plusieurs fois.
Une autre remarque d'importance ; les comics étaient à l'époque destinés à un public capable de s'émerveiller pour pas grand-chose. Nous étions en pleine guerre froide, avec la menace atomique planant sur les têtes des deux grands blocs, bercés par les progrès continus de la science qui laissaient espérer des lendemains qui chantent, ou en tous les cas dignes des plus grandes œuvres de la science-fiction... et puis peu à peu cet avenir est devenu notre présent, la réalité a parfois rattrapé la fiction ou celle-ci est devenu si complexe et si difficile à appréhender, que nous avons cessé d'y croire. Les enfants de 14 ou 15 ans qui lisent aujourd'hui des comics sont bien loin d'avoir ce côté ingénu et émerveillé que nous avions nous à leur âge, dans les années 70 ou 80. La violence omniprésente sur tout type d'écran, le besoin toujours plus grand de coller à un réalisme morbide et angoissant, font qu'aujourd'hui même les scènes ou les rebondissements les plus cruels, les plus spectaculaires et les puis invraisemblables finissent par lasser un public qui en a vu d'autres très jeune. Les anciens eux ont parfois l'impression qu'il s'agit là d'une surenchère stérile destinée uniquement à vendre plus d'albums, mais qui oublie parfois l'essentiel, une bonne histoire. D'autant plus que le style graphique des artistes a beaucoup évolué, s'ouvrant à une palette d'influences de plus en plus large, au risque de froisser des puristes qui ne jurent que par les pères putatifs du Marvel Style, et font la moue devant l'influence du manga ou du traitement par ordinateur, entre autres...
N'oublions pas non plus l'effet nostalgie; la mise à distance avec le temps a toujours tendance à magnifier quelque chose qui autrefois était certes joli, mais n'était pas non plus toujours remarquable. Je relis souvent mes vieux comics, et si certaines histoires sont assurément merveilleuses, et sont encore aujourd'hui les fondements historiques de notre passion commune, d'autres souffrent de facilité scénaristique ou d'un traitement artistique douteux, qui pourtant sont considérés d'un bon œil, puisque appartenant à cette époque mythique aujourd'hui révolue. Nous avons de nos jours nombre de récits modernes formidables à mon sens, même chez Marvel ou DC, qui une fois qu'ils auront pris de la bouteille deviendront de véritables références du genre... laissons-leur juste un peu de temps pour mûrir comme peuvent le faire les grands vins.
Et encore : l'acte même d'acheter des comics est important; elle est terminée l'époque où les gamins pouvaient aller chez le marchand de journaux et trouver des revues comme Strange (on a fêté hier le 50 ème anniversaire du premier Strange, au fait), en dépensant quelque francs. Aujourd'hui l'offre s'est réduite, même si nous avons en librairie des albums absolument somptueux, dont on aurait à peine pu rêver autrefois. Alors il faut admettre que le lecteur dont les ressources sont les plus modestes a bien du mal à suivre ses séries préférées, sans faire de gros sacrifices (le softcover Panini s'approche vite des dix euros), d'autant plus qu'en 2020 la concurrence est rude entre les dépenses liées au jeux vidéos, les figurines, et d'autres passions satellites qui finissent par phagocyter le domaine artistique de base auquel elles se rattachent. Après tout, s'il y avait autant de lecteurs des Avengers que de personnes qui sont allés voir les films au cinéma, les comics seraient dévorés par un lectorat bien plus important que ce qu'il n'est vraiment.
Quand nous disons que les comics c'était mieux autrefois, est-ce qu'en fait nous ne voulons pas dire que nous préférions la société d'autrefois, celle en apparence plus rassurante? Nous avions l'impression que les lendemains seraient plus positifs, que la situation était moins complexe à appréhender, que l'espoir était plus simple à cultiver... cela est probable. Je prends toujours autant de plaisir à lire des comics, à en acheter, à en consommer presque compulsivement parfois, je suis étonné et transporté de joie à l'idée de tout ce que nous offre aujourd'hui le marché des comics indépendants, la grande variété des histoires et des styles, la manière dont elles sont publiées. Pour autant, j'ai moi aussi ce pincement au cœur en évoquant ce qui fut autrefois. Le vrai combat est de faire en sorte que les comics restent un média populaire accessible à tous, et qu'il ne soit pas défiguré par toutes les activités et passions dérivées qu'il a vu naître ces dernières années. C'est donc à nous aussi anciens lecteurs et acteurs du marché des comics d'entretenir la flamme, tout en évitant qu'elle ne brûle le terreau fertile sur lequel elle s'épanouit. Les comics, c'est de l'art, du rêve, des songes et des idéaux en images, c'est une partie de nous et ce que nous sommes, et l'image que nous en avons en dit long aussi sur là où nous en sommes, et là où nous allons.
Le meilleur de Timely par Simon et Kirby Les prémices de Marvel en Omnibus
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N'oublions pas non plus l'effet nostalgie; la mise à distance avec le temps a toujours tendance à magnifier quelque chose qui autrefois était certes joli, mais n'était pas non plus toujours remarquable. Je relis souvent mes vieux comics, et si certaines histoires sont assurément merveilleuses, et sont encore aujourd'hui les fondements historiques de notre passion commune, d'autres souffrent de facilité scénaristique ou d'un traitement artistique douteux, qui pourtant sont considérés d'un bon œil, puisque appartenant à cette époque mythique aujourd'hui révolue. Nous avons de nos jours nombre de récits modernes formidables à mon sens, même chez Marvel ou DC, qui une fois qu'ils auront pris de la bouteille deviendront de véritables références du genre... laissons-leur juste un peu de temps pour mûrir comme peuvent le faire les grands vins.
Et encore : l'acte même d'acheter des comics est important; elle est terminée l'époque où les gamins pouvaient aller chez le marchand de journaux et trouver des revues comme Strange (on a fêté hier le 50 ème anniversaire du premier Strange, au fait), en dépensant quelque francs. Aujourd'hui l'offre s'est réduite, même si nous avons en librairie des albums absolument somptueux, dont on aurait à peine pu rêver autrefois. Alors il faut admettre que le lecteur dont les ressources sont les plus modestes a bien du mal à suivre ses séries préférées, sans faire de gros sacrifices (le softcover Panini s'approche vite des dix euros), d'autant plus qu'en 2020 la concurrence est rude entre les dépenses liées au jeux vidéos, les figurines, et d'autres passions satellites qui finissent par phagocyter le domaine artistique de base auquel elles se rattachent. Après tout, s'il y avait autant de lecteurs des Avengers que de personnes qui sont allés voir les films au cinéma, les comics seraient dévorés par un lectorat bien plus important que ce qu'il n'est vraiment.
Quand nous disons que les comics c'était mieux autrefois, est-ce qu'en fait nous ne voulons pas dire que nous préférions la société d'autrefois, celle en apparence plus rassurante? Nous avions l'impression que les lendemains seraient plus positifs, que la situation était moins complexe à appréhender, que l'espoir était plus simple à cultiver... cela est probable. Je prends toujours autant de plaisir à lire des comics, à en acheter, à en consommer presque compulsivement parfois, je suis étonné et transporté de joie à l'idée de tout ce que nous offre aujourd'hui le marché des comics indépendants, la grande variété des histoires et des styles, la manière dont elles sont publiées. Pour autant, j'ai moi aussi ce pincement au cœur en évoquant ce qui fut autrefois. Le vrai combat est de faire en sorte que les comics restent un média populaire accessible à tous, et qu'il ne soit pas défiguré par toutes les activités et passions dérivées qu'il a vu naître ces dernières années. C'est donc à nous aussi anciens lecteurs et acteurs du marché des comics d'entretenir la flamme, tout en évitant qu'elle ne brûle le terreau fertile sur lequel elle s'épanouit. Les comics, c'est de l'art, du rêve, des songes et des idéaux en images, c'est une partie de nous et ce que nous sommes, et l'image que nous en avons en dit long aussi sur là où nous en sommes, et là où nous allons.
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