Autobiographie de Bruce Springsteen, Born To Run, date de 2016 et porte le nom de son troisième album, celui qui le propulsa vers la gloire en 1975. Fan absolu de l’artiste depuis cette première heure (le gars a trouvé le moyen de se hisser à la hauteur de mes Rolling Stones chéris ! il fallait le faire), j’avais différé la lecture de son bouquin, pensant tout savoir et puis… le Père Noël est passé, et puis… j’ai regretté ce retard, car c’est une pure merveille. Pour les inconditionnels du musicien bien entendu, mais les autres peuvent aussi y trouver leur compte, je vais tenter de vous l’expliquer en faisant l’effort de rester objectif.
Si je synthétisais le contenu de l’ouvrage, j’y verrais trois axes : l’auteur évoque sa vie personnelle (son enfance dans le New Jersey, ses parents avec une mère aimante et un père avec lequel la communication fût difficile, enfin bien plus tard la rencontre avec la femme de sa vie, Patti, musicienne elle aussi dans son groupe et leurs enfants) ; sa vie professionnelle (les débuts avec les potes dans de petits groupes puis l’épopée qui le mènera des gigs dans les bars aux concerts dans des stades bourrés à craquer, la genèse de tous ses albums et de certaines chansons, son chemin qui croise d’autres artistes célèbres…) ; enfin, il y a ce qui a mon sens, en fait un excellent livre, toutes ses réflexions sur le monde comme il va, sur la vie et le sens de la vie…
Les premières lignes de ce billet vous indiquent que l’homme n’est pas neutre ou indifférent et ça transpire à chaque ligne de ce livre, jamais il ne perd de vue ses origines modestes, sa conscience de classe est très forte et sous-tend l’inspiration de toutes ses chansons (Bob Dylan est l’un de ses grands maîtres). Et même si aujourd’hui il a des comptes en banque bien garnis, il n’oublie rien et voit se qui se passe dans son pays et ailleurs. Son crédo, être authentique, toujours : « J’ai compris qu’il faut mettre en avant les choses qui vous tiennent à cœur pour qu’elles aient un sens pour votre public. C’est un gage d’authenticité. »
Ce livre est bourré de passages magnifiques gorgés d’émotion – en plus c’est très bien écrit et le rythme est trépidant, c’est bien le moins pour un musicien – citons dans le désordre, le décès de son père ou de Clarence Clemmons son saxophoniste, l’amour qu’il voue à sa femme, ses amitiés indéfectibles… mais il y a aussi sa confession sur son caractère dépressif qui peut le rendre désagréable même avec ses proches.
Sept cents pages qui sont un long road-trip à travers les Etats-Unis, en stop, à moto, en bagnole avant d’être une star, puis à travers le monde entier ensuite pour ses tournées. Par contre vous serez surpris, la star du rock’n roll, n’a jamais touché aux drogues, à peine à l’alcool, vacciné par le mauvais exemple donné par son père (rien avant vingt-cinq ans !!) et guère plus au sexe (rien que du raisonnable, disons…).
Un bouquin absolument remarquable, écrit par un homme d’une grande sagesse et d’une profonde humanité. Si le musicien ne vous rebute pas, a priori, voilà une lecture qui s’impose. Les fans, eux, l’ont déjà lu.
« Dans la ville balnéaire d’où je viens, avec son board-walk, tout est un peu toc. Moi, c’est pareil. A vingt ans, loin d’être un rebelle qui risquait sa vie au volant, je jouais de la guitare dans les rues d’Asbury Park et déjà j’avais obtenu une place de choix parmi ceux qui « mentent » pour servir la vérité… les artistes, avec un petit a. Mais j’avais quatre atouts dans mon jeu : la jeunesse, une expérience de presque dix ans à jouer dans les bars dans toutes les conditions, une bonne bande de musiciens qui avaient grandi là, habitués à mon style sur scène… et une histoire à raconter. »
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Richard