Contrairement à Villa triste (histoire plutôt réduite en nombre de personnages), Un pedigree recense tout l'entourage de l'époque : chaque protagoniste porte un prénom, parfois un nom, parfois une initiale. La seule qui n'hérite pas d'identité propre est la fameuse seconde femme du père, celle qui l'a éloigné de son fils Patrick. Cette Italienne a le droit d'être uniquement comparée à une comédienne connue de l'époque (Mylène Demongeot) et d'être résumée ainsi : la fausse Mylène Demongeot (avec tout ce que l'adjectif fausse sous-entend : fausse, qui n'est pas vraie - fausse, qui n'est pas honnête. Et reconnaissant l'esthétisme modianesque dans le choix des mots, on peut sans conteste considérer que les deux sens sont employés simultanément ici).
Dans les deux écrits, on retrouve la précision des faits, des détails si chers à Patrick Modiano, le juste mot, le bon mot à la virgule près. Le texte est travaillé, les ambiances sont installées, tout est propre et logique. Dans Un pedigree, Patrick Modiano se livre sans tabou, avec mesure, exprime ses sentiments de "petit", son recul de "grand". Dans Villa triste, on est dans un roman complètement ancré avec les thématiques favorites de l'écrivain nobelisé : des personnages au passé trouble ou sans passé, au futur incertain, à l'identité peu confirmée dont on explore un instantané de vie.
Comme d'habitude, on quitte les deux œuvres avec contentement parce qu'avec Modiano, on ne risque rien, à part de belles phrases, une réelle sincérité et l'envie de continuer le chemin (enfin, c'est vrai pour ce qui me concerne). Même si je reconnais que ces deux œuvres sont moins punchies, moins frappantes que Rue des boutiques obscures et Dora Bruder qui pour moi restent des moments de littérature exceptionnels, chacune d'elles laisse une trace : témoignage d'une profonde tristesse pour Un pedigree (ou comment se construire dans l'absence et dans l'attente ?), image volubile et arty pour Villa triste.
Collection Quarto Gallimard
avis sur Villa triste : Ingannmic,
avis sur Un pedigree : Geronimo, Sharon, notre Galinette nationale qui nous manque beaucoup, Mimipinson,
Du même auteur :
Rue des boutiques obscures
Dora Bruder
Souvenirs dormants