Eugène Dabit : Fauteuils réservés

Par Lebouquineur @LBouquineur

Eugène Dabit (1898-1936) né à Mers-les-Bains, est d'abord peintre puis romancier. Après L'Hôtel du Nord, roman porté à l'écran en 1938 par Marcel Carné, avec Arletty (« Atmosphère, atmosphère… ») et Louis Jouvet, il publie notamment Petit-Louis et Faubourgs de Paris. Il meurt prématurément à Sébastopol, au cours d'un voyage en URSS en compagnie d'André Gide.

Fauteuils réservés et autres contes qui vient de paraître, est un recueil de cinq nouvelles extraites de Le Mal de vivre et autres textes, précédemment parues dans la collection L’Imaginaire. Cinq courtes nouvelles, cinq portraits ou tranches de vie d’hommes et de femmes du Paris populaire des années 1930.

Dans Nuit, un homme seul rentre chez lui à Belleville le soir de Noël. Sa vie lui pèse, le quotidien est un fardeau qu’on porte comme une croix, peut-être qu’une femme pourrait dissiper ce malaise le temps de quelques heures. Une jeune prostituée occasionnelle, ouvrière au chômage, sera l’occasion pour ces deux êtres d’arrêter le temps qui court, stopper un instant leur passé… Fauteuils réservés est dans le même registre, l’angoissante solitude d’un homme qui se réfugie dans un cinéma, pour « qu’il ne reste pas plus longtemps seul au milieu de tous, car c’est une épreuve trop lourde pour un homme. » Une jeune femme s’assoit à ses côtés, léger flirt, mince espoir vite mis à mal quand la mignonne file avec son amant venu la retrouver… Avec La Lampe, un homme qui passe régulièrement nuitamment devant un logement de Belleville s’interroge sur le/la locataire qui laisse sa lampe allumée en permanence, « Quelle espérance ou quel désespoir elle éclairait ? Quel amour, quelle haine ? » et mène son enquête…

Tous ces hommes semblent être le même personnage, un solitaire miné par des questions existentielles où la vie banale et le quotidien rongent toute velléité de s’en sortir ; un poids qui semble peser sur tous ceux ou celles qu’il croise, des existences mornes peinant à trouver l’âme sœur qui pourrait les aider à s’en sortir.

De bien beaux textes, très courts, peut-être trop courts pour qu’on ait le temps de s’y immerger. A titre personnel, si je n’étais pas né à cette époque, il en restait des traces quand dans mon enfance parisienne j’ai moi aussi connu les bains-douches municipaux, les wagons de train avec compartiments, ces cinémas avec ouvreuses et deux films au programme, bref ce vieux Paris d’antan qui conserve à mes yeux un charme certain. Alors si vous désirez faire ce petit voyage dans le temps, ce petit livre à petit prix en est le titre de transport.