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Les premières phrases ... avant de lire ma chronique dans quelques temps.
Dans notre hémisphère, la durée de l'hiver est de 89 jours. C'est la saison la plus courte. En réalité, le froid s'installe six mois environ. En automne, il rôde l'air de rien, avant de gagner les collines et de se rapprocher par les plaines. Là, il accélère le pas et prend la forêt en étau, comme le ferait la mer qui monte. Une fois qu'il nous a saisis, le mieux que nous ayons à faire est de trouver l'équilibre entre un mouvement qui nous permette de vivre, et une économie de gestes qui nous permette de ne pas mourir. L'hiver, notre lieu de vie me fait l'effet d'une station de recherche. L'été, je trouve qu'il ressemble à un refuge
Maman et moi vivions ici depuis un peu plus de trois ans quand nous avons reçu le coup de fil. Au milieu des pins, des chênes et des bouleaux, au bout de ce chemin sans issue que deux autres propriétés jalonnent. C'est elle qui m'avait proposé de nous installer ici. Et je n'étais pas contre. J'avais grandi dans cette forêt. Le lieu m'était familier et je savais que nous nous y sentirions en sécurité. Qu'il serait le bon endroit pour vivre à notre mesure. Je n'étais plus capable de le faire en ville ; j'y avais usé l'intégralité de mes rêves et bien pire. Maman y avait perdu notre père. L'une comme l'autre n'y trouvions plus notre place. Nous avions besoin d'un rien qui nous allège et nous emplisse à la fois. Cela avait été un peu étrange au tout début. Il m'avait fallu du temps pour me réapproprier les lieux comme une adulte. Et pour ne pas laisser les souvenirs prendre toute la place. De l'eau avait coulé sous les ponts depuis mon enfance ici. Maman et moi revenions seules et lourdes. Nos épaules chargées de pierres douloureuses qui roulaient le long de notre colonne vertébrale, ralentissaient nos pas. Et parfois, les jours sans soleil, nous faisaient perdre l'équilibre ou le sens de la marche et des choses. Ces jours-là, nous acceptions l'une comme l'autre, de suspendre nos vies aux branches des arbres et de rester là, sans parler, sans manger, et parfois même sans bouger.
Je ne suis pas une fille qui suit sa mère - ...
→ D'une poésie fascinante, ce roman est une ode à la forêt, à la fois rédemptrice, mais aussi dans ce qu'elle a de plus sauvage. Sublime !
Marianne KMIECIK, Librairie Les Lisières (Villeneuve-d'Ascq et Croix)
Titre : Préférer l'hiver (8 janvier 2020)
Nombre de pages (papier) : 240
Il s'agit de présenter chaque semaine l'incipit (premières phrases) d'un roman. Il vous permet de découvrir en quelques lignes un style, un langage, un univers, une atmosphère.
FLaure