Qui pourrait croire qu'il y ait autant de secrets dans ce village de Lozère au début du XIXe siècle ? Tout y a l'air calme et simple : des paysans qui s'entraident, qui grandissent ensemble, se marient, ont des enfants, vieillissent et meurent là où ils sont nés. Et pourtant... Après le meurtre de la fille la plus aguicheuse du village, l'équilibre vacille, les fortes têtes croisent le fer. Pour quelle victoire ?
Par une froide journée de neige, Célestine est retrouvée morte, étranglée.Elle était enceinte. C'est l'effervescence dans le petit village lozérien : le coupable ne peut être que quelqu'un d'ici. Pour éviter que les gendarmes viennent mettre leur nez dans les affaires plus ou moins nettes des habitants, les hommes décident, sur l'avis d'Auguste, le maire, de ne pas dévoiler le crime. Après tout, Célestine n'avait pas de famille et n'était qu'une courtisane... La vie reprend son cours, Auguste se montre de plus en plus entreprenant auprès de Victoire, la servante, la bâtarde méprisée par sa grand-mère, la Fardette.
Celle-ci, mi-sorcière, mi-guérisseuse, se joue de tous dans son intérêt, attisant les haines et les rancœurs. Surgit alors Prosper, gosse de l'Assistance, désireux de prendre sa revanche sur une vie qui l'a jusque-là bien malmené. Il deviendra l'instrument du destin...
Si l'ambiance tend à rappeler parfois des épisodes de La Petite maison de la prairie avec ses foires, ses marchés, sa solidarité dans les coups durs, on sent très vite entre les personnages une tension qui s'exacerbe au fil des pages. Autour de Victoire et Prosper, les deux héros, les secrets se multiplient, les langues se délient et les haines se renforcent. Alors qu'ils n'aspirent tous les deux qu'à une vie tranquille et sans histoire, ils se retrouvent toujours au cœur de guerres avec les personnalités les plus influentes du village, la Fardette, vieille femme aigrie, haineuse et manipulatrice et Auguste un sexagénaire vicieux, fourbe et calculateur. On tourne les pages de ce roman avec l'envie de savoir comment tout cela va se terminer.
J'avoue avoir un peu regretter que les deux héros ne soient pas plus entreprenants. Victoire subit toute sa vie et ne cherche pas vraiment à comprendre pourquoi on lui en veut autant, je l'ai trouvée un peu trop sage, je l'aurais voulue un peu plus comme la Jeanneton qui arrive dans le village dans une position dangereuse et qui sort victorieuse en très peu de temps.
Les personnages les plus vindicatifs sont finalement les plus fascinants. On se demande jusqu'où ira Auguste malgré son passé tumultueux, ce que cherche la Fardette avec une telle méchanceté. Seuls personnages qui sortent du lot de ces mesquineries, Marionnette, dont la bonté et l'amour redonnent espoir à Victoire, et au lecteur, le curé et Léon qui ne s'affirme que dans la deuxième partie du roman. Beaucoup d'êtres mauvais sans raison, beaucoup de petitesse finalement dans ce village, à cause de la jalousie, de la solitude, de l'ignorance. Finalement, on souhaite surtout à Victoire et Prosper de fuir, ce qu'ils ne font jamais, préférant affronter les tempêtes et prouver leur valeur.
Ce roman, à l'instar des nouvelles réalistes de Maupassant par exemple, se révèle être une sorte de réquisitoire contre la mesquinerie des paysans, des hommes en général. J'ai passé un bon moment de lecture avec Marie de Palet et je remercie les éditions de Borée pour cette découverte pittoresque et acerbe.
Priscilla