Années 30, dans une vallée montagneuse. Andreas Egger, jeune orphelin devenu boiteux suite aux mauvais traitements infligés par son tuteur, n’a guère fréquenté l’école et n’a d’avenir que comme garçon de ferme (« Il pensait lentement, il parlait lentement, il marchait lentement… ») ce qui ne l’empêche pas d’y penser, « il pensait à l’avenir qui s’étendait à l’infini devant lui, justement parce qu’il n’en attendait rien. »
Avec Andreas nous allons vivre une vie entière, quasi exclusivement au cœur de ces montagnes qu’il chérit tant. Une petite bergerie abandonnée dans laquelle il vit chichement, son amour fou pour Marie, serveuse à l’auberge du village, sa demande en mariage originale mais pleine de romantisme, une petite vie tranquille qui sera néanmoins brisée par l’avalanche mortelle qui le laisse à nouveau seul, la guerre qui éclate et l’envoie huit ans en Russie. Puis le retour, les drapeaux nazis ont été remplacés par des géraniums aux fenêtres, les petits jobs…
Andreas traverse l’existence sans gros besoins, se contentant de peu. Il observe le monde qui change autour de lui, la construction d’un téléphérique auquel il participera, l’arrivée de skieurs et randonneurs, « Egger accueillit toutes ces transformations sans mot dire, un peu étonné. » Plus tard à l’auberge, c’est la télévision qui fera son apparition, autre source d’étonnement mais de méfiance aussi.
Andreas est un homme simple, de par sa condition sociale mais aussi pour ses goûts, l’argent, les femmes, l’alcool lui sont étrangers. Il suit son petit bonhomme de chemin, droit et honnête avec lui comme avec les autres. Parfois il pense « à ce qui avait été et à ce qui aurait pu être » mais il ne s’abandonne pas à la nostalgie ou aux regrets, certes comme tous les êtres humains il avait nourri des rêves, beaucoup étaient restés inaccessibles ou lui avaient été arrachés à peine obtenus, mais il était toujours là.
Magnifique roman de Robert Seethaler, tout en délicatesse et retenue. Le style, économe de mots, est limpide d’une écriture très simple, la lecture en est particulièrement aisée, tout s’enchaine sans heurts. Le lecteur suit Andreas avec amour – oserai-je dire – tant cet homme si humble touche au plus profond de notre âme. Les dernières pages décrivent la vieillesse avec une telle vérité sobre, qu’elles émeuvent – sans jamais tomber dans le larmoyant pour autant – et achèvent ce roman de la plus belle des façons. Superbe !