Suiza · Bénédicte Belpois

Par Marie-Claude Rioux

Tu dois commencer à le savoir? Quand je suis emballée, j’ai tendance à beurrer épais. Ben là, je ne suis pas juste emballée un peu. Je le suis beaucoup!Tout commence par le billet lu chez Krol et un commentaire que je laisse. Extrait: «Le voilà, le fameux billet du roman qui t’a tant chamboulée. Tu es parvenue à me contaminer pour Cora*. Mais là, faut pas charrier! Cette histoire d’amour me laisse d’avance perplexe. Je dis ça, mais j’ai beaucoup aimé Feel good et il y a de l’amour là-dessous. Comme quoi, il ne faut jamais dire jamais. Je resterai aux aguets pour sa parution en poche.»*Rappel: c’est à la suite du billet de Krol que j’ai eu envie de lire Cora dans la spirale.À quoi Krol répond: «Quoi? Tu lis Feel good et tu refuses de lire celui-ci qui n’a pas une once de feel good dans les mots!!! Je suis outrée, déçue, et fâchée! Donne-moi ton adresse postale et je te l’envoie!»Rendue là, j’étais pas grosse dans mes culottes et je me suis dit qu’il ne fallait ni décevoir ni fâcher Krol. 

«Y’a bien juste toi qui est capable de me faire changer d’idée sur ce coup! Je vais le lire, l’esprit ouvert, toute réceptive. Je viens de le commander!»Aussitôt reçu, aussitôt lu. Et ce fut un cataclysme littéraire! Pensais-tu que la quatrième de couverture avait de quoi m’attirer?La tranquillité d’un village de Galice est perturbée par l’arrivée d’une jeune femme à la sensualité renversante, d’autant plus attirante qu’elle est l’innocence même. Comme tous les hommes qui la croisent, Tomás est immédiatement fou d’elle. Ce qui n’est au départ qu’un simple désir charnel va se transformer peu à peu en véritable amour.Tout pour me faire fuir, oui! Et pourtant… Plus j’apprécie un roman, plus j’arrive difficilement à en parler. Je ne dirais donc pas grand-chose. 

Dès les premières phrases, les mots de Thomas m’ont harponnée. Cette «brute épaisse» rongée par le cancer est venue titiller mon humanité. La rugosité de Thomas qui rencontre la simplicité de la magnétique Suiza m’ont touché droit au coeur. 

Les manques lui ont fait une fragilité d’oeufs, alors qu’ils t’ont donné une carapace de tortue. Elle seule sait te lenlever sans t’arracher la peau, toi seul sait la protéger comme elle le souhaite, sans la casser. Vos deux faiblesses mises ensemble, ça fait quelque chose de solide, une petite paire d’inséparables. C’est pas souvent, mais des fois, quand tu mélanges bien deux malheurs, ça monte en crème de bonheur.

Les personnages secondaires ne sont pas en reste, chacun apportant son eau au moulin. J’ai trouvé que les lieux - une vie rude, loin de tout, une autarcie presque complète -, appelaient ce genre de personnages. 

Aucun billet lu ne fait état de l’humour présent entre ces pages. Et pourtant, il y a plusieurs passages où je n’ai pas pu m’empêcher déclater de rire. 

Les infirmières ont vite compris que le grand type baraqué était un petit peu délicat, elle m’ont allongé sur sur un lit à côté d’un vieil homme sec et jaune comme un haricot beurre qui m’a expliqué qu’il ne fallait pas que je m’angoisse. Qu’il y avait deux ans, il avait eu un cancer du poumon, comme moi, mais que ça allait bien, maintenant, c’était les os.
Quant à la fin, qui fait une boucle avec les premiers mots du roman, je n’en suis pas encore revenue. 

Comme un château de cartes... Enlever une carte de ce roman et tout s’effondre. Un premier roman redoutablement maîtrisé. Et dire, oui, qu’il s’agit d’un premier roman...J’ai entendu de tout sur ce roman. Des avis diamétralement opposés. Il y aurait place à débat. Mais pour le moment, je préfère reste sur mon nuage. Je plane tellement haut que depuis, trois romans me sont tombés des mains après une vingtaine de pages. Un coup de cœur aussi pour Virginie. Céline a beaucoup aimé et horizon des mots est très perplexe. À ce sujet, va lire son billet et les commentaires qui suivent. Tu verras en quoi ce roman peut déranger.

Suiza, Bénédicte Belpois, Gallimard, 256 pages, 2019.★★★★