Le monde ne va pas mieux. Il ne va pas plus mal non plus. Il continue sa course, sans que ce que nous croyons être notre conscience et qui n'est en fait que son manque, s'en trouve altérée. Entre prises de positions éclairées, discours pontifiants, résolutions mesurées, indignations réitérées, décisions et mises en application aléatoires, les maux de la planète se succèdent s'enchaînent et se répètent. Seuls leurs instruments ont changé. Passées ou actuelles, suscitées ou décidées, manipulées et contrôlées, gagnées ou perdues, les guerres restent, quelles qu'elles soient, le vivier inépuisable de la gestion écnomique et politique de ce monde, qui aujourd'hui vit sous la menace cathartique d'une catastrophe annoncée, le réchauffement climatique. ?!
L a gestion du malheur est non seulement plus rentable mais aussi plus inventive que celle du bonheur. Destruction. Reconstruction. Rodage des armées. Vente d'armes. Commerce du sang. Bombes. Morts. Victimes. Ouverture de marchés. Mise en coupe réglée de l'économie. Chantiers et travaux publics imposés. Globalisation à tout crin. Mais aussi, pauvreté exponentielle, famines pérennes, maladies et épidémies anciennes et nouvelles qui ouvrent leurs chemins prometteurs aux nouvelles religions du XXI° siècle, la science déshumanisée et l'innovation technologique salvatrice, forçant les peuples, sous le joug de peurs programmées, à la soumission .
A une échelle moindre, nos lois légifèrent de subtils verrouillages de plus en plus répressifs qui collaborent à la protection d'intérêts économiques et financiers de puissants lobbies et de leurs hommes de main, ces soi-disant serviteurs de l'État d'un cynisme meurtrier, et œuvrent de moins en moins au bien-être et à la défense des individus.
Ceux qui ont un regard critique et centrifuge sur le monde actuel, tout comme ceux qui sont aveugles et ont une attitude centripète, sont - les uns comme les autres -, rattrapés par une même désillusion chronique. Que l'on soit éveillé ou endormi, collaborateur ou rebelle, adolescent, adulte ou vieillard, athée ou croyant, militant ou non, citadin ou campagnard, la frustration que l'on éprouve à ne pas pouvoir intervenir en quoi que se soit dans ce monde, est latente. Parfois, il arrive qu'une génération enfante sa rébellion ; les suivantes la critiquent, l'intègrent, l'avortent ou la renient et le temps aidant, tous en deviennent les enfants nostalgiques et fétichistes.
Partout dans le monde, les nouveaux Che Guevara et autres Greta peinturlurent de leur révolte les tee-shirts de jeunes rebelles sans conviction, mais férus d'opinions. Mais qui se rappelle encore de Paoli, ou de Jefferson ? Pendant ce temps là, les Bâtards de Voltaire, comme le dirait John Saul, nos technocrates experts et manucurés de novlangue, élus minutieusement par nos opinions incertaines ou alternantes, amènent la Dictature de la Raison à son ultime expression, la Dictocratie.
Dire que notre démocratie est en plein déclin est devenue aujourd'hui une lapalissade. Et nous y avons collaboré pleinement. Certes dans nos sociétés industrialisées il y a toujours autant, voire toujours plus qu'auparavant, des référendums, des élections, des débats success-stories à n'en plus finir et des hommes politiques décomplexés, omniprésents jusqu'à l'écœurement. Ce qui, néanmoins, a fondamentalement changé est l'impact direct des vœux du citoyen sur les orientations du gouvernement et de son administration. Quand ce dernier se hasarde à exercer une forme de pouvoir par l'intermédiaire de l'Assemblée Nationale ou du Parlement, devenus des authentiques cirques, quand non des dortoirs rémunérés, il est souvent converti en l'instrument public et justificatif de groupes de pression qui se refilent, sans vergogne, la patate chaude du moment (voire la réforme des retraites) au nom des dividendes. Et son impact est réduit à néant. " Parle à mon cul, ma tête est malade... " Comme l'a fait justement remarquer Emmanuel Macron : " La démocratie est le système le plus bottom up* de la terre " .
P ourquoi en sommes-nous arrivés là ? La réponse est simple : le citoyen ordinaire que nous sommes, s'est peu à peu laissé séduire par cette Religion de la Raison et ses courtisans qui a fait silencieusement le lit de notre désistement idéologique, profond mais mou du genou, entre résignation et impuissance.
Ainsi, au nom de la sacro-sainte efficacité, de la gestion, de la compétence, du rationalisme, du triomphe et du libre échange, nous nous sommes dangereusement séparés de ce bon sens, si cher à Descartes. Mes proches, la majorité de mes amis (es), ma boulangère, mes collègues, les profs de mes enfants, mes voisins... tous souffrent du syndrome de l'ignorance délibérée, celle qui fait l'autruche, par facilité et comme le disent si bien les Espagnols : " Es lo que hay. C'est ce qu'il y a... Faut faire avec "
Dans tous les domaines, le bon sens, hier vertu cardinale, fait aujourd'hui figure d'anomalie sociétale. On ne peut plus s'y référer sans passer pour un casse-couilles rétrograde. On ne s'entend plus, on ne s'écoute plus. On polémique !
Peines et mélancolie, souffriront les peuples et les cœurs qui n'ont pas le courage d'obéir à eux-mêmes et qui d'urne en urne électorale, rejouent sans cesse la même partie.
Oui, je sais.... ça fait chier.... Nous sommes devenus des ramasseurs de miettes.
© L'Ombre du Regard Ed., Mélanie Talcott - Ecrit en 2007 - Modifié le 6/02/2020.
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