L'éditeur spécialisé en titres jeunesse, Kinaye, a la très bonne idée de publier une série qu'on aime beaucoup, Ronin Island de Grek Pak et Giannis Milonogiannis. C'est ainsi l'occasion idéale pour vous le faire découvrir.
Après la "Grande Tempête", un événement qui a dévasté la Chine, le Japon et la Corée à la fin du 19e siècle, des survivants se sont réfugié·e·s sur une île isolée, Ronin Island, sur laquelle iels ont créé une nouvelle société. C'est là où vivent Hana et Kenichi, deux adolescents issus de classes sociales différentes mais qui ont autant de chance d'évoluer dans cette société. Mais, l'arrivée surprise de l'ancien shogunat sur l'île va bouleverser tout cet équilibre.
Deux raisons m'ont poussé à lire Ronin Island : son éditeur US et son scénariste. Il faut dire que Greg Pak nous a déjà livré l'excellent Mech Academy pour le compte de BOOM! Studios et je me suis dit qu'il n'y avait pas de raison que leur nouvelle collaboration soit moins plaisante. En même temps, la maison d'édition américaine est devenue ma préférée du moment grâce à la qualité de son catalogue et, autant l'écrire de suite, Ronin Island ne déroge pas à la règle.
Il s'agit donc d'une uchronie féodale qui focalise sur deux ados qui subissent les règles de l'ancienne société. Le discours politique qui anime cette première partie est plutôt intéressante puisque Pak met en avant l'inégalité des chances entre les classes sociales en faisant de Hana une jeune fille coréenne issue d'une famille de roturiers alors que Kenichi est l'héritier d'une famille de samouraï. Si, sur Ronin Island, les deux ont toutes leurs chances de briller, dès lors que l'armée du Shogun débarque dans leur petit monde tout cela change.
La série - qui prendra fin au troisième tome - est certes destiné avant tout à un lectorat jeune ("Young Adult" aux États-Unis), c'est à dire que l'histoire est toujours en mouvement et reste plutôt fun - avec de légères touches d'humour - mais peut parfaitement convenir à un lectorat plus âgé grâce à la qualité indéniable de l'écriture, son efficacité et le discours politique qui est moteur de l'intrigue. En plus, l'action est fort efficace - surtout si vous aimez les combats de samouraïs et le charcutage de zombis.
En tout cas, ce premier tome se lit très bien tellement le récit de Pak est efficace : nous cernons vite qui est qui, quels sont les enjeux, et les effets de surprise fonctionnent à chaque fois. En plus, les dessins de Giannis Milonogiannis sont très agréables, il a un raccourci dynamique qui permet de retranscrire l'efficacité du récit sur papier. Les couleurs de Irma Kniivila sont très agréables, elles semblent être inspirées des estampes japonaises de l'époque ce qui me plaît beaucoup. Et vu qu'on parle de l'aspect graphique de l'œuvre, il serait dommage de ne pas mentionner le fait que chaque chapitre est séparé par les couvertures originales signées Ethan Young qui ressemblent à des gravures d'époque. Elles sont absolument somptueuses. D'ailleurs, nous en avions relevé certaines dans notre sélection de jolies covers hebdomadaires.
Éditions Kinaye n'existe que depuis un an mais propose déjà un catalogue assez plaisant ( Garbage Night, Space Battle Lunchtime) ou qui parait intéressant ( The World). Quoiqu'il en soit, la qualité du livre est vraiment plaisante : couverture semi-rigide avec rabats, papier de qualité et une maquette qui marque la patte de la maison d'éditions, ne reprenant pas bêtement celle de l'édition U.S. préférant conserver une identité visuelle forte. En plus, la traduction est au top avec des annotations qui permettent de contextualiser l'histoire. C'est du superbe boulot.