Campagne (4)

4.

Tim fut réveillé par le chant du coq du voisin. Habituellement, c’était le camion poubelle qui lui servait de réveil mais visiblement ici, point de ça. Le soleil perçait à travers les volets clos et une douce chaleur lui caressait le visage. Il sentit une masse collée à ses jambes et se pétrifia. Qu’est ce que c’était ? Un loup ? Un raton laveur ? La chose qui avait envahit son lit et son espace vital semblait énorme… Il se releva doucement en essayant de ne pas trop bouger et ce qu’il aperçut le surpris. Un gros chat était lové contre lui. Maintenant qu’il y faisait attention, il l’entendait ronronner. Le chat releva la tête et ouvrit lentement ses yeux. Il regarda quelques secondes Tim et miaula bruyamment.

Un tambourinement se fit entendre en bas. Tim se leva, enfila rapidement un tee-shirt et descendit. Le chat le suivit, manquant le faire tomber dans les escaliers. En ouvrant la porte, il vit Maurice accompagné d’un autre homme.

-Alors p’tit gars, bien dormi ?

Le jeune homme passa sa main dans ses cheveux emmêlés.

-Je te présente Gabi ! Il va nous aider à tracter ta voiture jusqu’ici.

-Oh ! C’est… gentil.

-Nous les Glaxois on est solidaire. Si y en a un qui est dans la panade, on vient l’aider !

Tim n’en revenait pas ! Il connaissait à peine Maurice que ce dernier lui apportait son aide. D’abord le tracteur, puis le repas et maintenant sa voiture. À Paris, le voisin de Tim refusait systématiquement de réceptionner ses colis ou encore de lui donner un œuf.

-Ça te change hein ! Le parigot ! lança Gabi.

-On en a déjà parlé Gabi ! Pas de ça ! le réprimanda Rissou.

Gabi lança un regard mauvais à Timothée et se dirigea vers une voiture garée sur la petite place en pestant à voix basse.

-Faut l’excuser. Gabi n’aime pas trop les parisiens. À ce qu’il paraît que sa fiancée s’est tirée avec un parigot, alors depuis, il voue une haine sans nom à toutes les personnes venant de la capitale.

Le chat était entrain de se frotter aux jambes de Tim en miaulant.

-Tiens ! s’exclama Rissou, mais c’est Staline !

-Staline ?

-Oui, le Jules il était communiste alors…

-C’est le chat de l’ancien propriétaire ? interrogea Tim en prenant le félin dans ses bras.

-Oui ! Jules n’aimait pas grand monde mais son chat, c’était tout pour lui. Quand il est mort, le village s’est mis à le nourrir mais il revient toujours à cette maison. On dirait qu’il t’a adopté.

-Dites Rissou, il est mort de quoi Jules ?

-À ce qu’il paraît qu’on l’a retrouvé sur la chaise de sa cuisine. Il se serait escané avec un bout de saucisson…

Tim arrêta de caresser le chat.

-Allez p’tit gars, va enfiler un pantalon ! dit Maurice en jetant un regard entendu sur le caleçon de Timothée.

Ce dernier se précipita dans la maison et enfila son jean qui traînait sur le canapé. Ensuite, il sortit en trombe et rejoignit Maurice et Gabi qui l’attendaient adossés à une voiture. Les trois hommes s’installèrent. Gabi fit vrombir le moteur fièrement et s’engagea sur le chemin. L’air était chaud pour une matinée. Tim était assis à l’arrière comme un gosse. Les hommes avaient ouvert les vitres et l’air s’engouffrait dans l’habitacle. Durant le trajet, personne ne dit un mot. Gabi conduisait, Maurice regardait le paysage et Timothée ne savait pas trop quoi penser de la situation. Tout à coup, il aperçut sa voiture et la désigna d’un doigt fébrile aux deux hommes. Gabi maugréa un truc du genre « Comme si on était aveugle… » mais un regard de Rissou le fit se murer dans le silence.

La citadine de Tim était là intacte sur le bord de la route. Les trois hommes se mirent alors au travail pour accrocher la barre de tractage et bientôt ils se retrouvèrent sur la route du retour. Gabi laissa la voiture sur la petite place et après avoir fait un geste vague de la main, il disparut, laissant Tim et Maurice. Le jeune parisien ouvrit le coffre et couva ses affaires d’un air amoureux. Toute sa vie tenait dans cette simple voiture. Il commença à se saisir d’un carton et vit Rissou faire de même.

-Je vais t’aider petit gars, dans quelques heures il va faire un soleil de plomb alors le plus tôt tu auras débarrassé tes affaires, le plus tôt tu pourras te mettre au frais.

-Merci Maurice mais ce n’est pas nécessaire. Répliqua un Tim gêné.

-Tut tut tut ! Je t’aide point barre !

Ils se dirigèrent vers la maison et en quelques minutes tous les cartons se retrouvèrent dans le salon de Tim.

-Je n’ai jamais vu autant d’écran ! s’exclama Maurice.

-Ah bon ? Pourtant, je pense être dans la moyenne. J’ai deux télés, une tablette et un ordinateur portable. Énuméra Tim.

-Ça fait beaucoup pour un seul homme ! Je crois que tout le village réunit, on n’a pas autant d’écran ! ajouta Rissou en se grattant la tête d’un air perplexe.

-Comment ça ? Vous n’avez pas de télé ?

-Et bien les deux seuls bâtiments à avoir une prise télé sont l’épicerie et la Mairie. Dit le quinquagénaire en réfléchissant.

Tim était devenu tout pâle. Lui qui se faisait un plaisir de brancher enfin sa télévision ! Heureusement, pas besoin d’antenne pour jouer aux jeux vidéos. Mais n’ayant pas internet, il ne pourrait pas jouer en ligne ! Tim sentit une bouffée d’angoisse !

-Mais, mais vous faites comment pour vous tenir au courant des nouvelles de l’extérieur ? Et pour vous distraire ?

-Et ben, on lit le journal, on va regarder la télé dans la salle commune de la Mairie, on joue à la pétanque, on lit… Il y a de quoi faire tu sais.

Maurice regardait le jeune homme visiblement en proie à un fort désarroi.

-Dis petit, tu me proposerais pas un verre d’eau par hasard ?

Tim sembla sortir de sa torpeur. Un instant, il semblait avoir quitté son corps, étourdi par autant de mauvaises nouvelles.

-Euh, oui, allez y, asseyez- vous. Dit-il en tirant une chaise à Rissou.

-Non, pas ici…

Timothée regarda Maurice d’un air interrogateur et puis il comprit.