Post-scriptum

Post-scriptum - Jane Birkin

Post-scriptum – Jane Birkin

Journal 1982-2013
Fayard (2019)
Deuxième tome des extraits du journal de Jane Birkin, traduits de l’anglais et annotés par l’auteur de 2016 à 2019.
Ce deuxième volume commence à la naissance de Lou Doillon et se termine le jour du décès de Kate Barry. Dans la courte postface, Jane indique qu’elle n’a plus écrit dans son journal après ce drame.
Il y a encore, comme dans le premier tome, la joie de vivre, l’insouciance et toujours la culpabilité de Jane qui ne sent jamais à la hauteur, qui doute toujours d’elle, en particulier vis-à-vis de ses filles.  
Au fur et à mesure des pages, on l’accompagne dans sa vie trépidante de chanteuse et de comédienne, les absences de la maison pour cause de tournée ou de film dont elle souffre beaucoup lorsqu’elle est éloignée de ses filles. On rit souvent au récit d’expériences fantasques ou de situations cocasses qui ont l’air d’être sa spécialité !
À côté de cette vie extraordinaire, ces extraits de journal et les commentaires plus récents de Jane montrent qu’en dépit de ses succès, elle est confrontée, comme tout un chacun, aux épreuves de l’existence. Et là, comme tout le monde, il faut encaisser, s’angoisser, souffrir, faire face, et les occasions ne manquent pas. Sa vie avec Jacques Doillon n’est pas un long fleuve tranquille et elle doit affronter l’adolescence difficile de Kate, les décès de Serge Gainsbourg et de son père à quelques jours d’écart, le chagrin de Charlotte. Puis vient le temps des engagements - guerre en Bosnie, soutien aux sans-papiers, qui lui apporte une certaine maturité et la sort de l’image qu’elle renvoyait auparavant. On perçoit aussi son évolution par rapport à la chanson, la reconnaissance qu’elle éprouve vis-à-vis de Gainsbourg et le rôle qu’elle veut tenir dans la continuité de son œuvre. Avec le temps qui passe, elle a le courage de tenter de nouvelles expériences au théâtre, au cinéma. Elle chante d’autres chansons que celles de Gainsbourg. Et puis, vient la maladie contre laquelle elle se bat courageusement, à sa façon, toujours fantasque et comme sur un fil.
En conclusion, un récit émouvant, un parcours atypique que j’ai eu beaucoup de plaisir à lire car on revisite des évènements à travers la perception de Jane Birkin. C’est quelquefois très surprenant.
Pour finir, un extrait qui figure dans une lettre à Lou, écrite de Bosnie en 1995 (pages 213-214)
On part. Au revoir aux garçons. On traverse les champs. Il pleut sur Mostar, ville ravagée aux ruines misérables. Pas un toit, pas un mur sans vérole. Il pleut sur Mostar et c’est bien, le temps qu’il fait. Des cabanons et les gens marchent sans courir, ce n’est plus la guerre. Prise de mélancholie je ne croyais plus à la vie, alors j’ai cherché la guerre et là-bas j’ai appris, on m’a donné une généreuse leçon sur le fait de profiter de la vie. Là-bas, j’ai trouvé la paix, aussi étrange que ça puisse sembler. Survivre. Professeurs et étudiants avec cette envie de partager leur connaissance. Donner, donner, cette élégance, cet effort de dignité. J’ai eu peur, j’ai pleuré, pour moi, pas pour eux, c’était mesquin. Est-ce que cette situation d’urgence les a rendus plus beaux ? Est-ce qu’on pourrait plus ne plus s’habituer à la vie normale ? Chaque mouvement de doigt était urgent là-bas, panique, j’ai pensé à moi pour la première fois en six jours, le cœur en paix, le cœur s’emballe, une voiture chic, BMW, c’est fini, on est loin. Puis non, c’est pas vrai, j’ai sursauté quand une hirondelle a plongé devant nous, sur la route, qu’elle ne meure. Ce serait trop bête, je veux tenir à la vie, à l’hirondelle.