2012. Le destin semble tout tracé pour Felicity : elle vient de terminer ses études de médecine, et s’apprête à quitter Seattle pour rejoindre une mission humanitaire en Afghanistan. Jusqu’à ce qu’elle reçoive un appel de son père : sa mère Martha a disparu. Forcée d’abandonner ses projets, Felicity part à sa recherche. Et ses traces la conduisent à Rome. Si elle finit par retrouver sa mère dans un hôtel de la capitale italienne, elle apprend également le décès récent de sa grand-mère Deborah. Dans les mains de Martha, tremblante, une lettre laissée par la défunte. Ce qu’elle contient est sur le point de bouleverser la vie de Felicity. Commence alors pour elle un voyage dans les pas de ses ancêtres, à la poursuite de la mémoire de sa mère et de sa grand-mère. Car un secret les unit toutes trois. Celui-ci démontre que l’amour n’a pas de limites… Ni la guerre ni le nazisme ne sauraient les briser.
Je remercie les éditions Archipoche et Babelio pour l’envoi de ce roman dans le cadre de la masse critique.
La Seconde Guerre mondiale est un sujet qui me passionne particulièrement et j’ai déjà lu de nombreux romans qui se déroulent à cette période. C’est donc tout naturellement que je me suis intéressée à ce titre, Au nom de ma mère, lorsque je l’ai vu sur le catalogue de la masse critique du mois. Je n’avais jamais entendu parler de l’auteure – à tort puisqu’elle est loin d’être inconnue et que le succès de ses livres me semble maintenant justifié – mais les quelques lignes du résumé ont suffi à me donner envie de découvrir cette histoire : secrets de famille courant sur plusieurs générations de femmes, ça partait déjà très bien !
J’ai vraiment beaucoup aimé ma lecture. J’ai retrouvé dans ce livre tout ce que j’avais imaginé y retrouver en lisant le résumé et j’ai donc été conquise. Après un début qui se déroule dans le présent, le récit est ensuite focalisé sur le passé et l’immersion devient totale. En même temps que Felicity, j’ai rencontré différents personnages qui ont vécu l’Histoire, l’ont marquée d’une façon ou d’une autre en se battant pour en changer le cours. J’ai aimé le point de vue dessiné par l’auteure, qui a consisté en la description des prémices du IIIe Reich, la montée sournoise d’Hitiler au pouvoir, nous décrivant comment son idéologie a commencé à gagner du terrain et à gangréner la société jusqu’à l’instauration de la dictature avec son lot d’atrocités.
« Les Allemands au chômage et affamés perdaient tout espoir d’un avenir meilleur. Ce n’était plus la politique qui les guidait, mais la misère, un terreau dangereux sur lequel poussent les pires manigances et tous les extrémismes. »
Le livre est moins axé sur l’extermination des Juifs en soit, la solution finale, que sur le destin de personnages, et surtout de femmes, qui se sont retrouvées malgré elles au centre et au plus haut du régime totalitaire. C’est d’ailleurs ce que j’ai apprécié car l’angle du récit différait des romans du même genre que j’avais pu lire auparavant, me dévoilant « l’envers du décor » en m’emmenant au sein de la société nazie.
« Etre juif, c’est ne jamais être en sécurité. Reste donc en paix avec toi-même. Protège ta famille. Tu ne peux pas changer le cours du monde, car tu ne peux pas changer la nature humaine. Tu peux seulement faire ce que tous les pères doivent faire : soustraire tes enfants au monde de haine que les adultes construisent pour eux. »
On se retrouve au cœur du système, au plus près des hauts gradés qui sont chargés d’exécuter les plans inhumains de la Chancellerie. On découvre la société et la vie du côté de ceux qui semble alors privilégiés, bien que leur place soit remise en cause chaque jour, et que leur maintien dans la société se paye au prix fort. Complots, secrets, politique, faux-semblants, apparences… Le quotidien des nazis n’est rien d’autre qu’une illusion de richesse et d’opulence qui cache les pires horreurs.
« Depuis cette nuit, je porte en moi une plainte funèbre qui est celle de la mort elle-même et je me demande si on peut mourir sous la torture d’une musique intérieure. »
Les personnages que l’on suit n’adoptent pas tous l’idéologie prônée mais on se rend compte qu’ils sont pris dans un engrenage et qu’il est bien difficile d’en sortir lorsque les hommes qui tirent les ficelles sont sans scrupule, sans état d’âme, et n’ont simplement aucune humanité. L’histoire questionne sur la façon dont il est possible d’agir quand on est obligé de côtoyer les hauts dignitaires nazis qui exercent un contrôle malsain et toxique sur ces femmes qui n’ont d’autre rôle que de s’amuser et d’apporter un réconfort aux hommes le soir, dans une illusion presque parfaite d’enchantement et de prospérité, comme si la monstruosité du monde s’arrêtait au pas de leur porte.
« Au début de chaque relation, on porte des oeillères : on voit l’autre tel qu’on a envie de le voir… jusqu’au jour où on le voit tel qu’il est. »
Concernant les personnages, les héroïnes étaient remarquablement bien développées. J’ai aimé Elizabeth pour sa force de caractère, pour l’amour incommensurable qu’elle portait à son mari Gustav, pour sa détermination à toute épreuve, son sens du sacrifice. Elizabeth est une diva, adulée de tous et surtout des hauts dignitaires nazis, le Führer en première ligne, et pourtant elle ne perd pas de vue ses objectifs et a bien conscience de l’intérêt d’avoir sa place au coeur de ce monde sans pitié, tout en en constatant le danger chaque jour. Sa fille aura également hérité de son courage et suivra ses traces sur de nombreux aspects. Sa personnalité est plus complexe encore que celle de sa mère et nous montre toute la difficulté pour une femme à cette époque de s’émanciper des hommes et de leur contrôle omniprésent. Deborah est une femme qui va subir de plein fouet la perversité du monde dans lequel elle est née et son évolution va être flagrante au fur et à mesure du roman. Surtout, Marlène est LE personnage qui m’aura le plus touchée, avec son tempérament de feu, la force de ses croyances et convictions, sa témérité et son engagement infini pour la cause qu’elle défend. Difficile de ne pas l’aimer alors qu’elle représente exactement le type de femmes pour lesquelles j’éprouve une admiration sans fin. Son destin m’a bouleversée. Grâce à ses personnages, l’auteure nous apporte toute la dose d’humanité dans cette époque où l’on déshumanisait l’homme pour le simple fait d’être juif.
« Ce n’est pas notre vie qui compte, mais la cause que nous servons. »
Au nom de ma mère est un roman qui est nécessairement difficile de par le sujet qu’il traite. Il m’a fait ressentir tout un panel d’émotions : tristesse, colère, rage, consternation, perplexité… Il m’a poussée à me questionner sur la façon dont moi-même j’aurais pu réagir en tant que femme, si j’avais été à la coupe d’un homme qui m’offrait gloire et paillettes pour masquer une terrible réalité. Cette histoire interroge sur la façon d’appréhender le monde et comment notre destin peut être influencé par les personnes que l’on rencontre.Je salue le talent de l’auteure, indéniable. On sent que ce roman est le fruit de recherches poussées et résulte d’une volonté de décrier un quotidien en collant au plus près à ce que l’on peut imaginer qu’il était à l’époque. L’auteure nous offre un roman captivant qu’il est bien difficile de lâcher.
Je recommande évidemment ce livre à tous les lecteurs qui aiment le sujet de la Seconde guerre mondiale mais pas seulement. A toutes les personnes qui cherchent des romans à sensations fortes, difficiles mais profondément humains. Je n’ai qu’une envie à présent : découvrir le second roman de l’auteure : Marlène, qui promet encore beaucoup d’émotions.
Connaissez-vous ce titre ? Vous fait-il envie ?