Olga Tokarczuk
Traduit du polonais par Margot Carlier
Editions Noir sur Blanc
2012
298 pages
J'ai lu ce roman avec un sourire continu au coin des lèvres. Le ton est donné dès la première phrase :
" Je suis à présent à un âge et dans un état de santé tels que je devrais penser à me laver soigneusement les pieds avant d'aller me coucher, au cas où l'ambulance viendrait me chercher en pleine nuit. "
Il est atypique, léger et profond. Le personnage principal, que d'aucuns prennent pour une folle, nous donne à voir sa vision du monde et des hommes. Et c'est assez cocasse.
Cependant, Janina Doucheyko, la narratrice, m'a perdue de temps en temps lors de ses digressions astrologiques. Et j'avoue que certaines répétitions m'ont quelque peu lassée. Mais globalement, j'ai aimé cet univers étrange, j'ai pris mon temps pour le lire, j'y retournais toujours avec plaisir, même si je ne pouvais pas avaler trop de pages les unes après les autres.
La narratrice est érudite, intelligente, elle n'est pas du tout la timbrée que les gens de son village veulent voir en elle. Elle aide, notamment, un de ses anciens élèves à traduire les poèmes de William Blake. Mais elle a une obsession : la défense animale et dès lors, tout ce qu'elle entreprend tourne autour de cela. C'est le genre de personnage qui marque, que l'on n'effacera pas comme ça de sa mémoire. Son excentricité prête à sourire et à réfléchir. Elle ne peut laisser le lecteur indifférent.
[...] un écrivain dépouille la réalité de ce qu'elle contient de plus important : l'indicible.
Volontairement, je n'ai pas encore parlé des morts, ces hommes retrouvés dans des sales postures dans la forêt, parce que je m'en fichais de savoir qui les avait tués, j'avais bien ma petite idée sur la question mais ce qui m'intéressait le plus était la manière dont la narratrice présentait les événements, avec son humour noir. Il ne sert donc à rien de classer ce roman, policier ou non, peu importe, il a un ton, à lui seul, incomparable, et c'est en cela qu'il est séduisant.
Sur ce plateau, proche de la Tchéquie, où seulement trois personnes vivent en hiver, au milieu de la neige qui bloque l'accès principal aux maisons, le rapport à la nature est singulier. Ce qui génère quelques passages intéressants et magnifiques.
" Des nuages bas et sombres n'avaient cessé de défiler dans le ciel toute la journée, pour finalement, tard dans la soirée, frotter leur ventre mouillé contre les collines. "
" L'hiver commence juste après la Toussaint. C'est ainsi. L'automne reprend alors ces outils et ses jouets, décroche les feuilles- elles ne seront plus d'aucune utilité - les balaie à la lisière des champs, puis retire ses couleurs à l'herbe, qui devient grise et terne. Ensuite, tout se voit noir sur blanc : les terres labourées se couvrent de neige. "
" Les mercredis de janvier, à sept heures du matin, on voit bien que le monde n'a pas été créé pour l'homme, et certainement pas pour son confort et son plaisir. "
" En contemplant le paysage noir et blanc du plateau, j'ai réalisé combien la tristesse était un mot important dans la définition du monde. Elle se trouve à la base de tout, elle est le cinquième élément, la quintessence. "
Un roman à découvrir pour ceux qui ne connaîtraient pas et moi je vais continuer ma lecture de cette auteure polonaise.
Marilyne et Edyta ont aimé aussi.