Décapitez l’adversaire et courez marquer un but, sa tête sous le bras. Tel est sommairement le principe de l’« hilketa », le nouveau sport à la mode. On se rassure : les joueurs sur le terrain ne sont que des cispés, des androïdes pilotés par la conscience des véritables opérateurs, eux-mêmes tous des « hadens », des victimes du syndrome du même nom, enfermés dans leur corps réduit à la plus terrible paralysie. Haden moi-même, je n’existe socialement que par cispé interposé. Je suis aussi agent du FBI, et c’est par un pur concours de circonstances que j’assiste à la mort d’un joueur d’hilketa au cours d’une compétition ; je parle de l’homme derrière le robot, en principe à l’abri de tout danger. Alors, accident ou meurtre ? C’est ce qu’il va nous falloir découvrir, mon acariâtre mais futée coéquipière et moi. Paré à plonger dans les coulisses d’un sport où athlètes et financiers sont prêts à tout ?
Pourquoi ce livre ? J’ai découvert l’auteur avec le premier tome et j’ai tellement bien aimé son style comme ses idées et sa façon de les exprimer que je me suis décidée à acheter la suite… et pourquoi pas ses autres livres si le deuxième rencontre le même succès !
Prise de tête mêle la science fiction sociologique au monde du sport pour un mariage explosif. Si l’enquête semble patiner et partir dans tous les sens au début de l’intrigue, orchestré par un flou parmi les suspects potentiels, notre duo d’agents du FBI ne va perdre pied et traquer les moindres indices méticuleusement. L’intrigue a gagné en rythme, probablement parce qu’on connaît déjà les hadens (cette maladie qui plonge le corps dans un état végétatif mais laisse l’esprit alerte, si bien que les gens pilotent des corps robotiques pour poursuivre leur vie) si on met le pied dans ce tome deux. L’auteur se prive volontiers de rappel, à part peut-être une page explicative vers la moitié du texte, sans que cela ne gêne la compréhension du récit, permettant ainsi de l’alléger. Des explications sont de mises liées à la pratique de l’hilketa, mais elles sont par touches et ne viennent en aucun cas troubler le déroulé de la lecture. Et pour les sportifs dans l’âme, une sorte de documentaire écrit complète le roman à sa fin pour en apprendre plus. De plus, dans le premier tome le héros cherchait également un appartement où s’installer, ce qui lui a pris du temps sans non plus qu’on perde le fil de l’intrigue. On s’est passé de ces visites dans ce nouvel opus, nous faisant gagner du temps précieux. Enfin, on retrouve avec plaisir les colocs, et un nouvel habitant détonnant. Je n’aurais pas senti venir le coupable dès sa rencontre, j’aurais sûrement éprouvé un coup de coeur pour ce second tome rythmé. Sans rebondissement ni prétention, John Scalzi maîtrise à la perfection le mariage entre policier haletant et science fiction à visée satirique, sans toutefois en faire trop. Avec ce ton qui dans ma tête le caractérise, légère et sarcastique à souhait, il parvient à dresser une critique de notre comportement face aux gens différents, que ce soit par handicap ou non. La connerie humaine se révèle dans toute sa laideur et c’est horriblement délicieux.
Comme je le disais, j’ai retrouvé avec grand plaisir le duo d’enquêteurs que forment Chris Shane, le protagoniste, fils de riche, ancienne jeune star des haden qui souhaite donner un but à sa vie, et Vann, cette donzelle qui n’a rien comme les autres, qui fume, passe ses samedis à boire et coucher à droite et gauche et qui engueule la directrice de l’agence du FBI comme elle le ferait sur le principal suspect (quel moment mémorable, j’en souris encore rien que d’y penser !). Lui doux et discret, elle tapageuse et gueularde, l’équilibre est de mise et alterne les tons. Juste parfait. Si je ne ferai pas le tour à dresser la liste des suspects, longue comme le bras. Mais j’ai une pensée pour les femmes au premier plan, comme l’épouse ou la joueuse professionnelle d’hilketa. Je voulais aussi m’arrêter sur les profils des parents de Chris Shane. Riches, importants, avec un pouvoir évident que ce soit en politique ou ailleurs, ils ont su conserver cette simplicité qui apparaît chez leur fils. Cela montre également que John Scalzi ne cherche pas à en faire trop pour décrire les mauvais penchants de la société, c’est assez rafraîchissant. Et ma dernière pensée sera pour Donut, le fourbe qui cache bien son jeu !
Comme je l’insinuais plus haut, l’auteur use de tournures sarcastiques qui peuvent paraître bien discrètes si le lecteur n’appréciait pas forcément ce ton-là. Personnellement, je m’amusais à imaginer la scène en poussant le sarcasme, parfois le cynisme, à son extrême et j’ai souri voire jubilé plus d’une fois ! Malgré tout, John Scalzi n’oublie pas d’user de ton sérieux, mais badin, pour véhiculer ses messages. Un mélange équilibré pour un propos qui passe crème.
Un second tome qui selon moi dépasse le premier dans sa qualité et son propos. Lié à l’univers du sport, des sujets forts comme l’argent, le divertissement et toutes les grosses firmes qui dépendent de ce marché se déploient devant nos yeux et sont passés au crible. Du sport, mais nos deux enquêteurs n’ont pas le temps de se divertir ! Tout part vite en cacahuètes et le rythme est là du début à la fin, avec des suspects à la pelle. Pourtant, et ce sera mon seul bémol, quand le coupable apparaît derrière les suspects, j’ai tout de suite compris que c’était celui ou celle qu’on cherchait. Peu importe, le ton mi-sarcastique mi-satirique m’a convaincue du début à la fin et j’ai lu ce second tome avec grand plaisir. Un troisième ne serait même pas de trop !
17/20
Les autres titres de la saga :
1. Les Enfermés
2. Prise de tête
- saga terminée -