Un loup quelque part d’Amélie Cordonnier

Un loup quelque part d’Amélie Cordonnier

Encore une fois, avec ce deuxième roman, Amélie Cordonnier excelle à nous peindre la femme, dans ce qu'elle a de plus complexe, à la fois victime et coupable. Si Trancher, dont vous retrouverez ma chronique ici, évoquait le destin et les difficiles décisions d'une femme maltraitée, Un Loup quelque part évoque le rôle de mère.

Voici la quatrième de couverture : " Paupières closes coupées au canif, lèvres parfaitement dessinées, l'air imperturbable. Royal même. Au début, elle a cru qu'il lui plaisait, ce petit. Seulement voilà, cinq mois plus tard, elle a changé d'avis. Ça arrive à tout le monde, non ? Elle voudrait le rapporter à la maternité. Qui n'a pas un jour rendu ou renvoyé la chemise, le pantalon, le pull, la ceinture ou les chaussures qu'il venait d'acheter ? "
Que fait cette tache, noire, dans le cou de son bébé ? On dirait qu'elle s'étend, pieds, mains, bras, visage. Mais pourquoi sa peau se met-elle à foncer ? Ce deuxième enfant ne ressemble pas du tout à celui qu'elle attendait. Aucun doute, il y a un loup quelque part.
Avec une écriture aussi moderne qu'acérée, Amélie Cordonnier met en scène une femme paniquée de ne pas réussir à aimer son enfant et dont l'affolement devient de plus en plus inquiétant.
Un loup quelque part d’Amélie Cordonnier

C'est un roman noir, un texte bouleversant qui prend aux tripes et qui m'a fait lire dans une urgence, à chaque chapitre renouvelée. A travers le " problème " d'Alban, le bébé, c'est sa maman que le lecteur est invité à jauger, à juger. Après le choc que peut constituer la nouvelle d'un bébé métis issu d'un couple blanc de peau, choc que l'on peut aisément comprendre, on en vient assez rapidement à la colère. Comment une mère peut-elle faire cela, penser cela, envisager cela ? Mais tout aussi rapidement, l'on sent que cette mère elle-même culpabilise, mais n'y peut rien : elle n'aime pas son fils, elle n'en veut plus. Elle voudrait qu'il en soit autrement, mais n'y arrive pas. Elle ne parvient qu'à l'aider à subsister, les enfonçant lui et elle dans un tourbillon de solitude à deux qu'on ne voit pas s'achever.

Derrière l'image de cette mauvaise mère se dessine le portrait de la petite fille privée par deux fois de sa mère à elle, rejetant sur son fils tout ce dont elle a peut-être été victime, d'une autre manière. Derrière la haine de cette mère pour son fils, se cache la colère de la petite fille contre des parents qui se sont tus, de toutes les manières que l'on peut se taire.

Ce sera alors surtout l'histoire d'une reconquête, celle de son histoire, de son rôle de mère, de son statut d'épouse. L'histoire d'une séduction, celle de son fils, celle de son mari et même celle de sa fille aînée. C'est l'histoire d'une vie qui commence, qui recommence à travers ce changement de génération, de couleur, de statut.

C'est un texte qui brûle les doigts, qui brûle les yeux, qui brûle le cœur et qui retourne l'estomac et l'esprit, par une autrice que j'apprécie toujours davantage. C'est un roman qui bouscule et qui marque. Inévitablement. Irrésistiblement. Et indéfiniment.

Priscilla