MoonShadow – Édition Définitive (DeMatteis, Muth) – Akiléos – 39€


MoonShadow – Édition Définitive (DeMatteis, Muth) – Akiléos – 39€MoonShadow – Édition Définitive (DeMatteis, Muth) – Akiléos – 39€Parution : 02/2020

Résumé
Moonshadow, vieil homme âgé de 120 ans, fils d’une hippie et d’un extra-terrestre, est au seuil de sa vie. Se penchant sur son passé, il raconte l’enlèvement de sa mère et de son chat, Frodo, par une entité éclatante ressemblant à la lune avec un faciès humain. De cet enlèvement naitra un enfant splendide et mélancolique. Devenant orphelin à l’adolescence, Moonshadow, accompagné du chat de sa mère et d’une humanoïde vénale nommée Ira, décide d’aller vivre dans les étoiles. Ce faisant, il y perdra un peu de son innocence, tentant également de trouver un sens aux actions de son père.Une œuvre culte offerte pour la première fois dans sa forme la plus aboutie et définitive.

Notre avis
C’est à un événement que nous convie Akileos, l’édition pour la première fois en France, de Moonshadow dans une édition de luxe avec une nouvelle introduction de son scénariste et des bonus exceptionnels. L’album comprend les 12 épisodes de la maxi-série parue de 1985 à 1987, ainsi que « Farewell, Moonshadow » paru en 1997. Moonshadow, devenu  un vieil homme, y écrit ses mémoires, s’adressant parfois directement au lecteur ; fruit de l’union de Sheila Fay Bernbaum et d’un représentant de la race extraterrestre de G’I Doses, race collectionnant les spécimens des espèces vivant dans l’univers et qui les rassemble dans un zoo où chaque individu a droit à son dôme. Son quinzième anniversaire va changer sa vie puisque son père réapparait pour l’expulser du zoo en compagnie d’Ira, un humanoïde couvert de poils, un cigare aux lèvres avec un chapeau melon et quelque peu obscène, de Sunflower , sa mère, soixante-huitarde attardée et de Frodo (la reference au « Seigneur des Anneaux » de Tolkien est bien réel – ndlr). Moonshadow raconte les différentes expériences qui lui ont permis de confronter sa vision romantique issue de ses lectures et de l’existence à la réalité. On voyage à ses cotés dans un vaisseau naviguant presque au hasard avec des rencontres et/ou des évènements  étonnants : une extraterrestre proche de l’accouchement,  les membres de la famille Unkshuss,  un enterrement, comment il a du voler l’Oeuf divin, comment il est devenu guerrier, prisonnier ou encore comment il a découvert la sexualité. Ce tome se clôt en deux parties, avec « Farewell, Moonshadow » dont l’action se situe 20 ans après et qui apporte au lecteur quelques compléments sur la vie de Moonshadow devenu adulte et enrichi d’un magnifique cahier graphique nous plongeant dans les secrets de fabrication de cette œuvre dont une partie du scénario en VO. Le volume commence par une citation d’un texte de William Blake. DeMatteis met en exergue à chaque début d’épisode un extrait d’un ouvrage qui a marqué sa vie ; défilent ainsi des textes de L. Frank Baum (Magicien d’Oz), Tolkien, Percy Shelley, James Matthew Barrie (Peter Pan), Robert Louis Stevenson, Dostoïevski, Keats, Henry Miller et Samuel Beckett. Le 12ème épisode fait exception. Notre héros ne connait en effet qu’une vision idyllique de la vie à travers ses lectures passées, bien loi de la réalité. L’honneur, la loyauté et la littérature romantique dont il s’est abreuvé se tarissent au feu de la réalité qu’il traverse, découvrant les difficultés et les complexités d’une vie réelle dont il était le prisonnier protégé jusque là. Dans ce sens de lecture, il y a la confrontation des idées face à une réalité froide, ce qu’il appelle « son éveil » tout au long du récit. Métaphysique, initiatique, intimiste, introspectif … Le récit est-il seulement réel ? Ce roman graphique ne rentre dans aucune case, il est la représentation d’une vie, peut être fantasmée, avec ses déboires, ses joies, ses peines, ses aspirations et vouloir le cantonner dans un espace clos le libère sur d’autres plans. Une réalité ? Celle de Moonshadow ? Les tribulations traversées par notre héros constituent autant d’occasion  de s’interroger sur le sens qu’il donne à cette réalité, DeMatteis invente 2 ouvrages, l’un développant la thèse créationniste, l’autre la thèse d’un irrémédiable hasard. Cette histoire comprend de nombreux éléments qui semblent de nature autobiographique comme  les références à Brooklyn ou au judaïsme. Il manque peut être le voyage à bord d’un vaisseau spatial, sauf a considérer que la terre en est un. Aucune piste dans ce que l’on appelle les origines  de « Moonsahdow » non plus. En effet, c’est en 1980 que  « Marvel Comics » publie un magazine appelé « Epic illustrated » dans le  but avoué d’attirer l’attention du lectorat de la version américaine de « Métal Hurlant » ;  ils éditent par la suite  des comics dont les créateurs restent propriétaires des droits de leur série à vie. « Moonshadow » fait partie de la deuxième vague desdites séries « Epic ». JM De Matteis a déjà une belle carrière de scénariste de super-héros derrière lui, notamment avec Spiderman ou Captain America. « Moonshadow » n’a pourtant rien à voir avec les superhéros, ou avec quoi que ce soit d’autre qui se fait à l’époque d’ailleurs, il est l’avènement d’un nouveau style dans la Bd Us comme le sera Hugo Pratt dans la Bd Européenne. De par sa construction et par son dessin, toutes les planches sont peintes à l’aquarelle, ou de par son système narratif intrusif et qui interroge, il télescope les genres et les transforme avec génie. C’est beau, presque magique, voir sublime et vous serez très vite en difficulté lorsque vous aurez refermé cet opus … On ne connait malheureusement pas de suite à ce jour, mais peut être devrons nous patienter plus de 10 ans cette fois, à cette œuvre entrée au Panthéon de la Bd US même si on sait désormais ce qu’est une prison, fut-elle imaginaire. Un must-have pour tous Bd-philes ! Restauré numériquement et présentant toutes les couvertures originales, ce volume comprend également des illustrations de Kent Williams et Georges Pratt. Un récit fantastique et intemporel savoureux que le New York Daily News a décrit comme « un poème envoûtant aux grandes qualités littéraires » et que De Matteis lui-même qualifie de mélange entre « David Copperfield de Dickens et Siddhartha, mais dans l’espace. »

En deux mots
Un voyage comme une initiation, une épopée cosmique, une quête hors des temps. Un chef d’Œuvre cathartique absolu mêlant poésie, philosophie et esprit révolutionnaire.

Et en trois : « beautiful, original, haunting » – Ray Bradbury

Jean-Claude Attali

Lien vers la page Akileos de « Moonshadow – Edition Définitive » pour découvrir des pages de cette somptueuse intégrale.