Transmédialité, Bande dessinée & Adaptation, dirigé par Évelyne Deprêtre et German A. Duarte

Transmédialité, Bande dessinée & Adaptation, dirigé par Évelyne Deprêtre et German A. Duarte

Transmédialité, Bande dessinée & Adaptation, dirigé par Évelyne Deprêtre et German A. Duarte, Presses universitaires Blaise Pascal, « Graphèmes », 2019, 305 pages.

Le résumé

Les processus transmédiaux et adaptatifs dans la condition médiatique actuelle constituent le noyau de cet ouvrage. D’un côté, il s’agit de situer les processus adaptatifs dans un contexte technologique, qui, par sa nature, opère quotidiennement des formes d’adaptation, et cela même de façon involontaire. D’un autre côté, il s’agit de mettre en lumière non seulement le phénomène de la transmédialité mais également la collectivisation de l’acte narratif qu’il induit de plus en plus souvent. Or, il semble que ce phénomène soit demeuré en arrière-plan dans le contexte médiatique de cette dernière décennie. Entre ces deux intérêts, comme pivot de cette collaboration, se trouve l’analyse des relations entre le médium bédéique et le vaste univers médiatique. En effet, la bande dessinée représente, de l’avis de l’équipe directrice, un moyen de construire des espaces narratifs très particuliers, et son étude, contextualisée dans l’ère numérique, ouvre des voies indispensables pour mieux comprendre et cerner la manière dont les espaces narratifs numériques seront construits dans un futur proche.

Note : 4/5

Mon humble avis

Merci à Babelio et aux Presses universitaires Blaise Pascal pour l’envoi de ce livre en échange d’une chronique honnête !

J’aime beaucoup les bandes dessinées, parmi de nombreux médiums, et j’apprécie d’en apprendre toujours plus sur comment elles sont faites et comment on peut les lire, les analyser, les interpréter. Je suis aussi particulièrement fascinée par les concepts d’adaptation et de réécritures, sur lesquels j’ai pas mal travaillé pendant mes études. Ce livre visait donc plusieurs de mes intérêts et je suis ravie d’avoir pu le lire.

Les études sur les adaptations s’attachent souvent à faire des analyses comparatives d’une œuvre et de son adaptation, en prenant des exemples précis de scènes adaptées d’un médium à l’autre et en qualifiant la transposition, de manière positive ou négative. Il y a aussi les études qui s’attachent plus spécifiquement au principe même d’adaptation, ses rouages, ses spécificités et ses fonctionnements, comme A Theory of Adaptation de Linda Hutcheon. Ce recueil de publications est un entre-deux, avec certains papiers qui s’attachent plus à la théorie « brute » et d’autre à l’analyse comparative de deux œuvres.

En interrogeant l’analyse de la spécificité médiatique, j’ai voulu relever certaines des questions qu’elle pose : nos définitions de l’ontologie d’un média reposent-elles sur les mêmes critères (la technologie, la réception, etc.) ? Les caractéristiques ontologiques ne sont-elles pas souvent des conventions esthétiques ? Certaines œuvres posent ces questions à travers des stratégies qui renvoient à l’autre média sans forcément relever de l’intermédialité. L’analyse d’adaptations « plan-par-plan » démontre que, d’un point de vue méthodologique, il convient de procéder d’abord à une analyse des conventions esthétiques auxquelles participent les deux œuvres avant de se pencher sur les caractéristiques ontologiques pour éviter les nombreux écueils aboutissant à des conclusions hâtives sur les potentialités et défaillances de tel ou tel média.
p. 225-226, « L’adaptation « plan par plan » à l’épreuve de la « spécificité médiatique » : Sin City (Robert Rodriguez et Frank Miller, 2005) et Watchmen (Zack Snyder, 2009) » de David Roche

Certains papiers me semblent plus abordables que d’autres, mais tout dépend des connaissances que vous avez déjà, et si vous êtes habitué·es ou non au jargon universitaire, particulièrement celui des études littéraires. J’ai d’ailleurs trouvé assez hilarant de voir que les articles qui portaient sur des adaptations d’œuvres littéraires avaient un lexique bien plus ampoulé et académique (qui rend parfois le propos, pourtant intéressant, bien obscur) alors que la lecture des articles qui portent sur le transmédia et l’adaptation dans la culture populaire était bien plus simple et aisée. Il faut ajouter à cela que les articles portant sur des œuvres qu’on a lu et qu’on connaît sont bien plus intéressants et intelligibles que ceux qui analysent des bandes dessinées ou romans dont on ne connaît rien.

J’ai particulièrement apprécié les deux textes suivants : « Les vies transversales des superhéros : la culture populaire inadaptée » de Raphaël Faon et « L’adaptation « plan par plan » à l’épreuve de la « spécificité médiatique » : Sin City (Robert Rodriguez et Frank Miller, 2005) et Watchmen (Zack Snyder, 2009) » de David Roche qui partent tout deux d’un postulat commun qui est (de manière raccourcie et mal dit par moi-même) que « réécriture » correspond mieux que le terme « adaptation ». En effet, l’adaptation suggère une hiérarchie, une œuvre source qui serait adaptée mais qui garde souvent le « dessus » et qui reste « première » en tout terme alors que la réécriture envisage seulement les deux œuvres comme liées, mais sans forcément qu’une hiérarchie s’applique.

La critique de l’adaptation n’est qu’un des symptômes qui permet de révéler l’écart entre ce paradigme critique moderne et les différentes formes culturelles où vivent de manière transversale les super-héros, raison pour laquelle on peut momentanément privilégier à la notion d’adaptation l’idée plus ouverte de réécriture, qui permet, bien qu’elle soit issue du champ littéraire, d’envisager la transformation sur le mode de la réinvention plutôt que celui de la trahison : de jouir de la variation plutôt que du procès comparatif où règne une origine perdue.
p. 276, « Les vies transversales des superhéros : la culture populaire inadaptée » de Raphaël Faon

Sinon, c’est du détail mais qui a son importance pour les personnes comme nous (oui je vous inclus un peu arbitrairement) qui aimons les livres : c’est un bel objet, avec des pages toutes douces et glacées (il est donc assez lourd) à la mise en page… créative (pour ne pas dire farfelue) !

C’était donc une lecture très intéressante et si le sujet vous intéresse je vous invite à aller consulter le sommaire du livre pour en savoir plus (disponible ici sur le site de l’éditeur) !