Enjamber la flaque où se reflète l’enfer : Dire le viol, de Souad Labbize, édition bilingue français – arabe, Éditions iXe, « La petite iXe », 2019, 108 pages.
L’histoire
Souad Labbize est descendue “dans les caves de l’enfance”, pour écrire ce témoignage en soutien à toutes les femmes et filles victimes d’agressions sexuelles. Rédigé en français, traduit en arabe, il pose dans ces deux langues des mots sur la douleur et la honte, sur la rudesse de la mère et l’indolence du père. Des cris horrifiés, sans compassion ni tendresse pour l’enfant violée, la projettent sur le chemin au bout duquel elle gagnera sa liberté et son indépendance.
Note : 5/5
Mon humble avis
Merci à Babelio et aux Éditions iXe pour l’envoie d’un exemplaire en échange d’une chronique honnête.
Ce petit livre de poésie n’a l’air de rien comme ça quand on le tient dans sa main mais il contient beaucoup. Déjà parce qu’il s’agit d’une édition bilingue, et je trouve admirable que les Éditions iXe aient pris le parti de publier à la fois la version française et arabe de ce poème, les deux écrits de la main de l’autrice (qui est, entre autres choses, traductrice littéraire). L’édition bilingue se présente avec le français en lecture « occidentale » (de gauche à droite donc) et l’arabe en lecture de droite à gauche (en commençant par la « fin » pour nous), et pas en vis à vis, ce que je trouve assez logique au vu de la différence de sens de lecture, et cela permet de lire le poème dans une des deux langues de façon fluide. J’ai l’impression que les éditions bilingues se font de plus en plus rares, notamment avec les livres numériques, mais c’est chouette de voir que certains éditeurs continuent d’en faire.
Comme le sous-titre « Dire le viol » l’annonce, ce poème n’est pas pour tout le monde et parle, plus ou moins explicitement, de viol et d’agressions sexuelles, si c’est un trigger pour vous, n’hésitez pas à quitter la chronique (et à aller voir cette vidéo de loutres mignonnes).
Souad Labbize se livre en racontant ce qui lui est arrivé avec beaucoup de poésie, mais sans pour autant cacher l’horreur de l’expérience. Elle aborde notamment le fait de ne pas avoir pu en parler à quiconque puisque la première réaction provoquée par la seule possibilité qu’elle ait pu être violée, a été si violente qu’elle n’envisage même plus d’en parler. Malheureusement, Souad a été victime de nombreuses agressions et raconte à quel point chacune d’entre elles a pu l’enfermer un peu plus sur elle-même, dans son silence. Elle utilise ces événements et les lie les uns aux autres pour parler de sa famille, de ses émotions, alors qu’elle était enfant mais aussi aujourd’hui dans son vécu de femme adulte portant un regard sur ce qui lui est arrivé.
Son récit est dur, a suscité beaucoup d’émotions pour moi et si vous vous en sentez la force et le moral, je vous invite à le découvrir également.