Derrière un titre énigmatique se cache l’un des grands romans de cette année. Mais est-ce le grand livre audio que j’attends de découvrir grâce au prix Audiolib 2020 ? Lisez cette avis et vous le saurez.
Depuis le jour de sa sortie je savais que j’allais lire Ici n’est plus ici, d’abord parce que mon beau-frère de libraire l’avait trouvé exceptionnel ensuite parce qu’il a bouleversé mes amies bookstagrammeuses en qui j’ai une confiance totale : @sionbouquinait et @nathaliebenoy. Mais voilà, Nathalie m’avait prévenue qu’il n’était pas d’un abord facile en audio du fait de la multitude de personnages. J’avais donc prévu de le lire en papier avant que la sélection du Prix Audiolib 2020 n’en décide autrement. C’est donc finalement par la voix de Sylvain Agaësse, Benjamin Jungers et Audrey Sourdive (avec qui je viens déjà de passer un merveilleux moment lors de l’écoute du Bal des folles) que je me suis plongée dans ce roman sur les origines et la quête d’identité.
Ce roman choral prend appui sur douze portraits d’Amérindiens chahutés par l’existence, abîmés par la pauvreté quand ça n’est pas en plus par l’alcool et la drogue. Ces douze hommes et femmes ne se connaissent pas mais partagent une même histoire ancestrale qu’ils souhaitent célébrer à l’occasion du grand pow-wow d’Oakland. On pressent que ce rassemblement d’autochtones scellera à jamais leur destin, on y revient en permanence telle une construction en étoile où chaque personnage représente une branche singulière et indépendante mais rattachée en même temps à un cœur, lieu de convergence avec les autres branches dont il ne peut se détacher. Ce drame sous-jacent a piqué ma curiosité et a permis de maintenir mon attention tout au long de cette lecture mais en même temps j’ai vécu cette histoire dans une profonde confusion, incapable de poser les contours nets de chaque personnage. Les identités et les détails s’emmêlaient dans mon esprit. Nathalie avait raison, j’aurais dû découvrir ce livre avec mes yeux plutôt qu’avec mes oreilles pour pouvoir revenir en arrière ou prendre des notes quand j’en éprouvais le besoin.
Mais pour les Autochtones de ce pays, partout aux Amériques, se sont développés sur une terre ancestrale enfouie le verre, le béton, le fer et l’acier, une mémoire ensevelie et irrécupérable. Il n’y a pas de là, là : ici n’est plus ici.
Je suis aujourd’hui une lectrice audio suffisamment aguerrie pour savoir quel roman est susceptible de me plaire en audio et lequel nécessite absolument une lecture plus traditionnelle. Ici tous les ingrédients sont réunis pour m’empêcher d’accéder pleinement au texte : des personnages à foison pas clairement liés les uns aux autres, un changement de narrateur régulier qui m’oblige à chaque fois à refaire une sorte de mise au point et une histoire qui prend beaucoup de temps à se mettre en place. Pour autant, j’en garderai un souvenir fort car j’ai été sonnée par la fin mais je pense que je le relirai dans quelques années pour combler toutes mes lacunes et tenter de prendre davantage la mesure de ce que chaque personnage apporte à cette histoire.
Au niveau de la narration, ce livre vient également confirmer mes intuitions, à savoir que je suis naturellement captivée par les voix féminines et beaucoup moins réceptive aux timbres graves. Et donc, en toute logique, les passages lus par Audrey Sourdive sont ceux dont je me souviens le mieux et qui m’ont procuré le plus d’émotions. Je n’avais pas encore eu le plaisir d’écouter cette narratrice avant de rejoindre le Prix Audiolib, elle fait pour l’heure partie de mes plus belles découvertes de ce jury.
Pour conclure cette lecture, je dirais qu’Ici n’est plus ici est bien le grand livre que j’espérais mais que, pour moi en tout cas, il n’est pas le grand livre audio que j’attends dans ce prix.
L’ESSENTIEL
Ici n’est plus ici
Tommy ORANGE
Editions Albin Michel en GF et Audiolib en audio
Sorti le 21/08/2019 en GF et le 27/11/2019 en audio
352 pages (8h44 d’écoute)
Lu par Sylvain Agaësse, Benjamin Jungers, Audrey Sourdive
Genre : roman contemporain
Personnages : Dene Oxendene, Opale Victoria, Edwin Black, Tony Loneman, Bill Davis, Jacquie et Orvil Red Feather, etc.
Plaisir de lecture :
Plaisir d’écoute :
Recommandation : oui
Lectures complémentaires : Retour à Little Wing de Nickolas Butler, La saison des feux de Celeste NG, Rien de plus grand de Malin Persson Giolito, Il faut qu’on parle de Kevin de Lionel Shriver
RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR
À Oakland, dans la baie de San Francisco, les Indiens ne vivent pas sur une réserve mais dans un univers façonné par la rue et par la pauvreté, où chacun porte les traces d’une histoire douloureuse. Pourtant, tous les membres de cette communauté disparate tiennent à célébrer la beauté d’une culture que l’Amérique a bien failli engloutir. À l’occasion d’un grand pow-wow, douze personnages, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, vont voir leurs destins se lier. Ensemble, ils vont faire l’expérience de la violence et de la destruction, comme leurs ancêtres tant de fois avant eux.
Débordant de rage et de poésie, ce premier roman, en cours de traduction dans plus d’une vingtaine de langues, impose une nouvelle voix saisissante, véritable révélation littéraire aux États-Unis. Ici n’est plus a été consacré « Meilleur roman de l’année » par l’ensemble de la presse américaine. Finaliste du prix Pulitzer et du National Book Award, il a reçu plusieurs récompenses prestigieuses dont le PEN/Hemingway Award.
TOUJOURS PAS CONVAINCU ?
3 raisons de lire Ici n’est plus ici
- Parce que l’on parle trop peu des Amérindiens en littérature
- Parce que la quête d’identité est un sujet prégnant
- Parce que le traitement sous forme de roman choral est très intéressant
3 raisons de ne pas lire Ici n’est plus ici
- Parce qu’il peut paraître décousu de prime abord
- Parce qu’il souffre de certaines longueurs
- Parce que 12 personnages différents ça fait beaucoup
L’article Ici n’est plus ici de Tommy Orange est apparu en premier sur Lettres & caractères.