Le bal des folles de Victoria Mas

Par Lettres&caractères

Mars 1885. Louise, Eugénie et Thérèse sont officiellement déclarées folles et enfermées à la Salpêtrière pour y être soignées. On les dit hystériques, épileptiques ou démentes. Parfois à juste titre et parfois sans autre raison que le souhait de les neutraliser.

Le Bal des folles de Victoria Mas (éditions Audiolib et Albin Michel)

Car dans certains milieux, les femmes ont la folie facile dès lors qu’elles gênent un père ou un mari par leur esprit frondeur. Les déclarer folles c’est leur offrir un aller sans retour à l’Hospice de la Salpêtrière. C’est tellement pratique la folie, ça rend bien des services…

Oubliées de leurs proches, ces femmes voient désormais leurs journées rythmées par les visites du corps médical et les expériences menées par le professeur Charcot. Une fois l’an on leur sort le grand jeu : ces dames sont conviées au bal de la mi-carême sans avoir forcément conscience d’en être l’attraction principale, la raison d’être de cet événement que l’on surnomme le bal des folles. Vêtues de tenues flamboyantes, ces femmes de tous milieux et de tous âges se mêlent à une foule de puissants, venus s’offrir des sensations fortes à moindre frais. On les observe du coin de l’œil, on redoute autant qu’on espère une crise d’hystérie en pleine salle de bal. Ces reines d’un soir ne perçoivent pas vraiment l’aspect sordide de la situation.

Mais la folie des hommes n’est pas comparable à celle des femmes : les hommes l’exercent sur les autres ; les femmes, sur elles-mêmes.

C’est sur fond historique que Victoria Mas fait valser ses internées et son intendante, des personnages de fiction plus vrais que nature. Le sort réservé à ces femmes suscite l’effroi et l’on comprend mieux pourquoi l’hystérie est un état que l’on associe toujours à la gente féminine. Une fois encore on assiste aux dégâts causés par une société patriarcale dans laquelle la femme ne doit rien revendiquer au risque d’y perdre sa liberté.

La foi inébranlable en une idée mène aux préjugés. T’ai-je dit combien je me sentais sereine, depuis que je doute ? Oui, il ne faut pas avoir des convictions : il faut pouvoir douter, de tout, des choses, de soi-même. Douter.

J’avais acheté ce roman en papier mais n’avais pas encore trouvé le temps de le lire. Je l’ai finalement découvert avec grand plaisir en audio, grâce au Prix Audiolib 2020. Ce texte se prête à merveille à une écoute, l’esprit reste concentré sur les mots de la narratrice, Audrey Sourdive. Son timbre de voix posé semble bien en phase avec l’époque et le milieu bourgeois du roman. Aucune fausse note à déplorer, on se régale du début à la fin. En format papier je serais plus réservée je pense car certains aspects du récit auraient pu être étoffés comme les expériences de Charcot ou le fameux bal. Il faut dire que le sujet est tellement passionnant qu’on est avide de détails mais pour une lecture audio c’est très bien dosé.


L’ESSENTIEL

Couverture Le bal des folles de Victoria Mas

Le bal des folles
Victoria MAS
Editions Albin Michel en GF et Audiolib en audio
Sorti le 21/08/2019 en GF et le 12/02/2020 en audio
256 pages (6h44 d’écoute)
Lu par Audrey Sourdive

Genre : roman historique
Personnages :  Geneviève l’intendante et Louise, Eugénie et Thérèse  les internées
Plaisir de lecture :
Plaisir d’écoute :
Recommandation : oui
Lectures complémentaires : La part des flammes de Gaëlle Nohant, Né d’aucune femme de Franck Bouysse

RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR

Chaque année, à la mi-carême, se tient, à la Salpêtrière, le très mondain Bal des folles. Le temps d’une soirée, le Tout-Paris s’encanaille en compagnie de femmes déguisées en colombines, gitanes, zouaves et autres mousquetaires. Ce bal « costumé et dansant » n’est rien d’autre qu’une des dernières expérimentations du docteur Charcot, adepte de l’exposition des fous.

Dans ce livre audio terrible et puissant, Victoria Mas choisit de suivre le destin de ces femmes victimes d’une société masculine qui leur interdit tout écart et les emprisonne. Parmi elles, Geneviève, intendante dévouée corps et âme au célèbre neurologue ; Louise, une jeune fille « abusée » par son oncle ; Thérèse, une prostituée au grand cœur ; Eugénie enfin qui, parce qu’elle dialogue avec les morts, est internée par son père.

Un hymne à la liberté pour toutes les femmes que le XIXe siècle a tenté de contraindre au silence.

Sur la liste des 30 livres de l’année 2019 du magazine Le Point.


TOUJOURS PAS CONVAINCU ?

3 raisons de lire Le bal des folles

  1. Pour l’aspect historique du récit
  2. Parce que c’est un premier roman remarquable
  3. Parce que la condition des femmes y est traitée avec originalité

3 raisons de ne pas lire Le bal des folles

  1. Parce qu’on aurait aimé une histoire plus fouillée sur la Salpêtrière
  2. Parce que l’intrigue aurait pu gagner un peu en intensité
  3. Si vous n’aimez pas particulièrement les romans sur fond historique

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