Bon, le confinement va durer un bon moment si on a bien compris. Tous les 15 jours on va nous annoncer que c’est renouvelé pour 15 jours. A un moment ça va bien se finir, mais on ne sait pas quand. Du coup, on va quand même reprendre notre petite routine tranquille, histoire de ne pas se laisser dépayser. Si on a des idées entre-deux pour vous faire des articles spéciaux confinement, on ne se gênera pas, mais sinon, on reprend sur nos lectures classiques. Histoire de vous donner de quoi lire pendant ces heures interminables, mais aussi de quoi monter une PAL colossale et aller dévaliser votre médiathèque/librairie dès la reprise du cours de vie normal.
Pour se remettre dans le bain, on commence avec un grand classique de mes articles : une sélection d’albums de tel protagoniste dans littérature de jeunesse. Mais avec une petite différence cette fois-ci.
A travers la conception de tous mes opus sur tel ou tel personnage dans les albums pour la jeunesse, j’ai mis certaines de mes trouvailles de côté au fur et à mesure pour vous concocter une édition spéciale : les contes classiques pour la jeunesse revisités par nos auteurs-illustrateurs d’aujourd’hui. Ça y est, j’ai réussi à rassembler divers ouvrages qui me plaisaient bien et je vous les présente.
Lilas d’Yvan Pommaux, paru en 1995 à L’école des loisirs
Une femme hautaine et à l’air acariâtre accueille le célèbre détective John Chatterton dans son salon. Elle lui explique que sa belle-fille, aux cheveux noirs comme l’ébène, aux lèvres rouges comme le sang et à la peau blanche comme le lilas, a disparu. Ni une ni deux, le détective accepte l’enquête et part à la recherche de la jeune fille. Mais il sent vite qu’il y a anguille sous roche et que la belle-mère veut retrouver Lilas pour pouvoir mieux la tuer et ainsi ne pas avoir de rivale en terme de beauté.
Un chat comme détective, un gorille en tant que chasseur, un chien pour le prince, un guépard pour la belle-mère et un puissant tigre pour le père ? Nous sommes bien évidemment dans l’univers d’Yvan Pommaux et de celui de son célèbre détective chat noir (3 enquêtes tirées de contes classiques à son actif). Cette vision de Blanche-Neige nous offre un concept totalement décalé, entre la BD et l’album, et un genre adapté en enquête policière. Un très bon remaniement pour attirer un bon nombre de lecteur.
Chapeau rond rouge de Geoffroy de Pennart, paru en 2004 chez Kaléidoscope
Chapeau rond rouge, surnommée ainsi à cause du chapeau rouge qui trône en permanence sur sa tête, rend visite à sa Grand-mère pour sa fête. Bien évidemment sa maman lui dit de contourner la forêt pour ne pas tomber sur le vilain loup. Mais c’est un vieux chien gris que rencontre Chapeau rond rouge à l’orée de la forêt. Chien qui, peu de temps après le passage de la petite fille, se fait écraser par une voiture. Celle de la grand-mère ! Qui s’empresse donc de mettre le chien gris bien au chaud dans son lit le temps d’aller chercher le docteur. Bien évidemment, Chapeau rond rouge tombe sur lui en arrivant chez la vieille femme. Mais ce n’était pas un chien gris, c’était bien le loup…
Une façon très drôle de remanier le conte du Petit Chaperon Rouge, où le loup est totalement ridiculisé, la petite fille a un caractère bien trempé et la grand-mère est en pleine forme !
Le roi, sa femme et le petit prince de Mario Ramos, paru en 2008 chez Pastel
« Lundi matin, le roi, sa femme et le petit prince, sont venus chez moi pour me serrer la pince. Comme j’étais pas là, ha ! Le petit prince a dit, hi ! Puisque c’est ainsi, nous reviendrons mardi.
Mardi matin, le roi sa femme, le petit prince et un pingouin sont venus chez moi pour me serrer la pince… »
Et ainsi de suite, vous connaissez la chanson, à deux trois détails près. D’accord, ce n’est pas un conte classique qui est repris ici, mais une chanson et elle est tout de même très classique. Mario Ramos reprend ici les codes de l’histoire en y ajoutant un accompagnateur par jour (comme l’hippopotame à vélo ou la fanfare des amis de Babar) et nous offre une fin très drôle. Les dessins, très simples et tricolores feront également rire les enfants. Notamment le petit prince, qui se fait reprendre par sa mère la reine tous les jours, faisant trop de bruit à chaque fois.
Une autre histoire d’Anthony Browne, paru en 2009 chez Kaléidoscope
Sur la page de gauche, une histoire sans parole, en format BD, où le noir et blanc domine. Une petite fille qui part faire des courses avec sa maman, mais se perd et entre dans une maison qui n’est pas la sienne, où elle va tester divers objets. Sur la page de droite, une histoire en couleur et pleine page avec une phrase simple sous chacune d’elle. Une famille de trois ours qui part se balader pendant que son repas refroidit, mais ne sont pas très très contents de découvrir qu’un intru s’est introduit chez eux pendant leur absence et a touché à leurs affaires. Jusqu’à ce que les trois ours rencontrent l’intru, qui n’est autre que la petite fille de la page de gauche.
Comme d’habitude, Anthony Browne fournit là un travail exceptionnel en finesse. A travers ce conte de Boucle d’or et les trois ours revisité, il nous parle de solitude, d’exclusion et interroge l’enfant sur sa relation au monde. La page de droite reste toujours identique dans sa conception, tandis que celle de gauche se transforme au fil de l’histoire. Le style BD s’estompe pour se rapprocher de l’album comme sur la page de droite, le noir et blanc laisse entrer quelques couleurs… Jusqu’à ce que la petite fille doive s’enfuir de chez les trois ours, et retrouve son monde brutalement.
Le bois dormait de Rébecca Dautremer, paru chez Sarbacane en 2016
Deux personnages se baladent à travers une ville. Une ville fantôme. Ou presque. Il y a toujours des habitants, mais tous sont profondément endormis. Tous étaient apparemment encore en train d’exercer leur activité avant de sombrer et se sont donc endormis dans les positions les plus incongrues. Nos deux personnages sillonnent les rues et passent devant de nombreux tableaux étranges. Le plus vieux de nos promeneurs expliquent au plus jeune qu’il paraitrait que cela fait 100 ans que ça dure, qu’un sort a été jeté. 100 ans ? Mais alors, le charme devrait bientôt être levé ? Par qui ?
Vous aurez bien entendu reconnu une adaptation de La Belle au Bois Dormant. Ce n’est d’ailleurs pas vraiment une adaptation (à part le fait que cela se passe dans une époque un peu plus contemporaine) mais un autre point de vue que nous offre ici Rébecca Dautremer. Et si vous aussi aviez pu vous balader à votre guise parmi cette ville endormie, qu’auriez-vous fait ?
Cambouis de Geoffroy de Pennart, paru chez Kaléidoscope en 2016
Tom Beltruf n’a pas eu de chance dans sa vie. Il a perdu ses parents très jeunes, a été élevé par de lointains cousins qui l’ont mis au travail immédiatement et il subit sans cesse les moqueries de ses deux beaux-frères, qui le surnomment Cambouis. Cambouis, parce qu’il est mécanicien et donc souvent couvert de cette substance. Le jour où l’occasion de sortir de son garage et de se montrer en société se présente, grâce à une audition pour chanter avec Lady Wawa, Tom souhaite y participer. Malheureusement, ses horribles beaux-frères l’en empêchent en tâchant son beau costume. Cambouis parvient tout de même à trouver une solution pour y aller, mais doit rentrer avant minuit. Il y a du monde à l’audition et le tour de Cambouis viendra tard. Il s’enfuit donc dès sa chanson terminée. En laissant derrière lui, sa chaussure…
Honnêtement, je me suis tellement laissée emporter par l’histoire au début, que je n’ai réellement pris conscience du rapprochement avec Cendrillon qu’à la tout fin. Et c’est ça qui fait la force de cette histoire, c’est son détachement qui nous permet de nous y plonger comme si c’était un nouveau récit jamais vu. Et en même temps, les comparaisons sont bien là et c’est un vrai jeu de les découvrir au fur et à mesure.
Dessine-moi un petit prince de Michel Van Zeveren, paru chez Pastel en 2017
Un petit mouton est tout fier car il a dessiné le plus beau Petit Prince de la classe. Son voisin lui demande d’ailleurs : « Dessine-moi un petit prince ». Et tous les moutons de la classe se mettent à dessiner des Petits Princes. Sauf Petit Mouton, qui ne sait pas dessiner. Il rentre tout penaud chez lui et demande à sa maman de lui apprendre. Mais celle-ci ne sait pas. Il lui demande alors un cheval. Pour ne pas décevoir son fils, la maman accepte. Elle lui tend la feuille sur laquelle se trouve un caillou : « C’est le caillou au pied du cheval. Moi je préfère dessiner ce que personne ne regarde. Comme ça, on regarde le monde d’un autre œil et ça le rend plus beau » lui répond-elle. Au fil du temps, Petit Mouton se met même à dessiner des choses imaginaires. Il devient alors le Petit Prince du dessin.
On termine avec une adaptation de l’un de nos plus beau conte classique et contemporain : celui du Petit Prince. N’est pas reprise toute l’histoire, mais le fond de celle-ci et son message. En allant au plus court, Michel Van Zeveren ne transgresse rien et sublime même le tout. Il fait de Dessine-moi un petit prince un nouveau conte à part entière.
Pas assez de conte en version contemporaine ? Voici de quoi satisfaire votre insatiable culture :
- Vous pouvez aller relire la plupart de mes opus sur les animaux dans la littérature de jeunesse, ils contiennent souvent une adaptation d’un conte classique !
- Le grand sommeil (adaptation de La belle au bois dormant) ou John Chatterton détective (adaptation du Petit chaperon rouge) d’Yvan Pommaux à L’école des loisirs
- Dans la forêt profonde et Les histoires de Marcel d’Anthony Browne, chez Kaléidoscope, des medleys de différents contes
- La Gazette des contes de fées de Colin et Jacqui Hawkins, chez Gründ
Et si c’était à votre tour de vous essayer au conte remanié les loulous ?