Apocryphe – René Manzor – Calmann-Lévy – Octobre 2018
René Manzor figurait jusqu’à présent dans ma liste des « auteurs à découvrir » et lorsque l’occasion s’est présentée de lire Apocryphe, je n’ai pas hésité une seconde même si, je l’avoue, la 4éme de couverture évoquait des sujets aux antipodes de mes goûts… Une accroche de 5 lignes mentionnant « Jérusalem – An 30 – David de Nazareth »… de prime abord, Histoire et Religion… très peu pour moi, merci… Toutefois, je suis quelqu’un de tenace, obstinée, et j’ai surtout cette crainte de passer à côté de quelque chose de bien si je fais l’impasse en m’écoutant un peu trop… J’ai donc entamé ce livre, sans conviction aucune hormis le désir de connaître la plume de cet auteur… Le déclic ne m’est pas venu immédiatement: le terme « surmonter » les premiers chapitres est peut-être un peu fort, mais au vu de mon manque de culture religieuse et historique, il est clair que j’ai dû batailler dur pour m’imprégner d’une intrigue que je suspectais dès le départ très complexe… Toutefois, le style de l’auteur m’a tout de suite plu et j’ai décidé de lui faire confiance quant à la suite de ma lecture: c’est ce qui m’a aidé à poursuivre ce livre…
Selon le dictionnaire, un apocryphe se dit d’un texte qui n’est pas authentique, « se dit de tout écrit qui, se présentant comme un livre inspiré de Dieu, ne fait pas partie du canon biblique juif ou chrétien ». La proposition de l’auteur de nous raconter la vie du fils de Yeshua, aussi osée soit-elle, donne lieu à un récit surprenant mêlant aventures et pans revisités de l’histoire: au coeur de la Palestine du siècle premier, dépeinte de façon très réaliste, naît la révolte du peuple nazôréen, victimes de persécutions par les romains. Au coeur de ces conflits, le message évangélique se déploie progressivement, entre questionnement et conviction aveugle.
Si, parait-il, la réinterprétation des écritures saintes est un sujet éculé, il s’agit pour moi d’une première lecture de ce genre… Et, contre toute attente, je ne me suis pas sentie étouffée par l’aspect historique du sujet, ni lésée par mes lacunes bibliques: j’ai rapidement accroché à cette intrigue aux multiples rebondissements, me suis laissée emportée par ce récit ambitieux et excellemment maîtrisé. J’ose à peine imaginer le travail de recherches historiques qu’a dû fournir l’auteur pour parvenir à un résultat aussi détaillé et convaincant… Le style imagé, éloquent, donne cette impression très réaliste de prendre part aux combats, d’assister impuissants aux horreurs des persécutions…
Les personnages, pour la plupart historiques, d’autres fictifs présents pour étayer l’intrigue romanesque, sont sublimes de bravoure pour les plus attachants, révoltants pour les plus cruels: aucun ne nous laisse indifférents… Le jeune David, dont l’enfance se brise à l’âge de 7 ans par la vue du supplice sur la croix de son propre père, déterminant un destin hors du commun guidé à la fois par le désir de vengeance et par le pardon… Le romain Longinus, bourreau repenti, porté par sa détermination à protéger « le disciple successeur »… Les femmes ont le plus souvent des rôles dignes dans ce roman avec des héroïnes fortes de leurs conviction : Mariamne, la mère de David et la jeune esclave Farah… que l’on suit avec plaisir tout au long de cette épopée…
Puisque apparemment aucun des autres livres de René Manzor ne ressemble à celui-ci, je suis finalement ravie d’avoir découvert cet auteur par ce thriller biblique complexe, dont je suis venue à bout en dépit de ma réticence initiale, tant il s’est avéré addictif !