Editions Le Livre de Poche
145 pages
Paru en 2016 (2006 chez Grasset)
Quatrième de couv’ :
En racontant pour la première fois comment elle est devenue Virginie Despentes, l’auteur de « Baise-moi » conteste les discours bien-pensants sur le viol, la prostitution, la pornographie. Manifeste pour un nouveau féminisme.
Mon avis :
Il y a longtemps que j’entends ce nom résonner à mes oreilles, Virginie Despentes. Mais depuis son interview dans le podcast Les couilles sur la table (à écouter absolument) j’étais fascinée par les réflexions de cette femme et son ton, j’ai donc enfin sauté le pas et lu le très fameux King Kong Théorie :
- Bad Lieutenantes
Ah cette phrase, « J’écris de chez les moches, pour les moches… », qui ne l’a jamais entendu même sans ouvrir ce fameux bouquin. Les hommes n’écrivent et n’imaginent que des femmes qui les font bander, celles qui collent à cette société et s’y épanouissent tant mieux mais Despentes ne veut plus de cette société qui invisibilise les femmes qui ne font pas partie du marché de la bonne meuf.
« Je m’en tape de mettre la gaule à des hommes qui ne me font pas rêver. Il ne m’est jamais paru flagrant que les filles séduisantes s’éclataient tant que ça. »
- Je t’encule ou tu m’encules ?
Cette partie revient sur la fameuse virilité en crise qui s’est cassée la gueule avec la révolution sexuelle et ces femmes qui veulent tout faire comme des hommes. Le fameux « c’était mieux avant » et l’autrice de dépeindre tout ce qu’elle a pu faire seule qui n’aurait jamais pu se faire sans un mari encore peu de temps avant, elle était la première génération de femmes en France à pouvoir se le permettre. Mais toujours fliquée par les hommes et pire par les femmes.
« On se fait engueuler parce que les hommes ont peur. Comme si on y était pour quelque chose. C’est tout de même épatant, et pour le moins moderne, un dominant qui vient chialer que le dominé n’y met pas assez du sien… »
« Jamais aucune société n’a exigé autant de preuves de soumissions aux diktats esthétiques… »
- Impossible de violer cette femme pleine de vices
Cette partie est la plus violente, Despentes raconte son viol ainsi que celui de son amie par 3 mecs alors qu’elles faisaient du stop. Elle imagine qu’aucun de ces types depuis ne s’estime être un violeur car dans l’imaginaire collectif, une bonne victime est une victime morte ou qui tue par légitime défense, si tu t’en sors vivante, c’est qu’au fond tu le voulais bien…
« Alors, comment expliquer qu’on entende presque jamais la partie adverse : J’ai violé Unetelle, tel jour, dans telles circonstances ? Parce que les hommes continuent de faire ce que les femmes ont appris à faire pendant des siècles : appeler ça autrement, broder, s’arranger, surtout ne pas utiliser le mot pour décrire ce qu’ils ont fait. Ils ont « un peu forcé » une fille, ils ont « un peu déconné », elle était « trop bourrée » ou bien c’était une nymphomane qui faisait semblant de ne pas vouloir… »
- Coucher avec l’ennemi
Cette partie traite de la prostitution et de l’expérience qu’en a faite l’autrice. Il est amusant de voir les parallèles faits avec le mariage, les contraintes juridiques qui éloignent les prostituées des villes et les rendent vulnérables. La prostitution a donné à l’autrice un pouvoir important sur la gente masculine au moment où elle devenait « un jouet géant ». Elle nous présente également le malaise des hommes avec leur sexualité qu’ils pensent eux-mêmes dégradante pour les femmes…mais ça ne les choque pas suffisamment pour qu’ils se bougent à changer les choses dommage ^^
« Preuve en est : si elles avaient le choix, les prostituées ne le feraient pas. Tu parles d’une rhétorique…comme si l’épineuse de chez Yves Rocher étalait de la cire ou perçait des points noirs par pure vocation esthétique. La plupart des gens qui travaillent s’en passeraient s’ils pouvaient, quelle blague ! »
- Porno sorcières
Ce fameux porno dont on accable de tous les maux, forcément responsable des viols collectifs etc. Force est de constater que malgré la quantité incroyable d’articles traitant du sujet, il n’y a pas foule pour poser directement la question aux consommateurs pour savoir ce qu’ils y trouvent, on préfère imaginer et de parler comment se fonde notre société qui nous vend du sexe et des corps de partout pour ensuite faire en sorte qu’obtenir le soulagement est compliqué d’où le succès du porno. Et de rappeler le traitement des actrices parce que le sexe pour une femme c’est pô bien surtout si t’aimes ça ^^ Et de rappeler que les hommes trouvent normal de se tripoter sur des culs à peine pubères pour les vilipender ensuite dans leur désir schizophrène « Donne-moi ce que je veux, je t’en supplie, que je puisse ensuite te cracher à la gueule ».
» Les conditions dans lesquelles travaillent les actrices, les contrats aberrants qu’elles signent, l’impossibilité qu’elles ont de contrôler leur image quand elles quittent le métier, ou d’être rétribuées quand on s’en sert, cette dimension de leur dignité n’intéresse pas les censeurs…Mais le porno se fait avec de la chair humaine, de la chair d’actrice. »
- King Kong Girl
Cette partie traite d’abord du film King Kong de 2005, cette créature qui n’a aucun signe extérieur de genre ce qui est le cas de quasi toutes les créatures du film ou tout l’inverse pour d’autres, pour revenir à son dada, le punk rock, qui est une culture qui explose les codes de genre établis….et tous ces bienpensants de la société qui cherchent à la faire revenir sur le droit chemin de la féminité en la « rassurant ». Se comporter comme un homme est beaucoup plus intéressant niveau liberté que ça apporte et être une femme ne devrait pas être une contrainte si on n’y adhère pas.
« Etre jolie : à quoi ça me servirait, vu que je ne me sens pas douée pour ça et que mes stratégies pour compenser le truc fonctionnent au-delà de toutes mes attentes ? J’étais chaleureuse avec les garçons, ils me le rendaient gentiment, dans l’ensemble. »
- Salut les filles
En jouant à inverser les rôles sur une lettre de rupture écrite par Antonin Artaud trouvable sur internet qui cherche une petite femme qui se sacrifie à lui et son intérieur pour son confort personnel, Despentes montre que le sacrifice pour le confort de l’autre a un sexe et n’est pas masculin. Le traitement des écrits des autrices ainsi que des autrices elles-mêmes et le coming-out lesbien.
» Comment explique-t-on qu’en trente ans aucun homme n’a produit le moindre texte novateur concernant la masculinité ? Eux qui sont si bavards et si compétents quand il s’agit de pérorer sur les femmes, pourquoi ce silence sur ce qui les concerne ? «
En bref, c’est bien simple je veux TOUT lire de Despentes
D’autres lectures du même type : Le mythe de la virilité de Olivia Gazalé et Les couilles sur la table de Victoire Tuaillon.
Bonne lecture !