Richard Russo
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-Luc Piningre
Quai Voltaire, 2008
Lu en poche, collection 10/18
Première lecture de cet auteur, ce n’était pas faute de l’avoir croisé sur les blogs que je fréquente avec assiduité, mais je n’avais jamais franchi le pas jusqu’à cette proposition de lecture commune lancée par Ingannmic.
Et bien je lui dis merci !
Moi qui avais un mal fou à me concentrer sur un roman ces derniers temps, qui ne pouvait avaler plus de trente pages d’affilée, et bien là, Richard Russo m’a ferrée dès les premières lignes.
J’ai plongé et replongé avec délice dans les pages de ce pavé. Quel bonheur renouvelé de savoir que j’allais y passer quelques heures de suite !
Pour quelles raisons ?
L’atmosphère d’abord et surtout. Cette faculté incroyable qu’a l’auteur de faire vivre son lecteur au sein de cette petite ville de l’état de New York, Thomaston, une ville découpée en quatre quartiers selon les classes sociales, les noirs, les pauvres, ceux qui s’en sortent à peu près, les riches. Une ville où l’on pourrait s’ennuyer, et bien non, pas une seconde je n’ai cédé à l’ennui, à l’envie d’accélérer ma lecture, j’étais bien, tout simplement bien, au rythme lent des souvenirs de l’enfance du personnage principal.
Et puis cette famille, les Lynch, des personnages on ne peut plus attachants avec leurs qualités mais surtout leurs défauts. Des gens ordinaires, avec des vies ordinaires dans une bourgade ordinaire. Louie C. Lynch nous raconte sa version, mais on sent bien qu’il ne nous dévoile pas tout. Sarah, sa femme, et Bobby son ami d’enfance compléteront à leur manière les blancs. Car tout est une histoire d’angle, de regard, si le surnommé Lucy raconte sa vie à la première personne (puisqu’il écrit ses mémoires en quelque sorte), l’histoire nous est aussi racontée par la voix d’un narrateur omniscient mais qui voit tout par le prisme du personnage sur lequel il se centre, Bobby ou Sarah. La narration éclatée entre flash-back et lumière braquée sur l’un ou l’autre des personnages rend l’histoire addictive et vivante.
Louie C. Lynch est l’anti-héros par excellence, il est mou, il ne brille pas par son charisme, ni par ses actes mais il est tendre, et sa voix n’en que plus authentique. Il nous fait partager ses doutes, ses déboires, ses réflexions, ses absences, ses déceptions et ses lâchetés.
Richard Russo est un conteur magnifique, il a la générosité de nous laisser nous immerger dans son univers. Il n’est ni complaisant dans sa description des petites villes provinciales américaines, ni cynique. Il dépeint des vies, sans jamais juger. Il montre la cruauté des uns et des autres sans étalage, sans insister lourdement. Même si la scène du lynchage du jeune noir devant les yeux ébahis des spectateurs sans qu’aucun ne lève le petit doigt, me restera en mémoire. Richard Russo est un orfèvre, il cisèle avec finesse sa partition et nous la décline avec talent.
Je ne sais pas si j’ai réussi à rendre compte de mon plaisir de lectrice mais je suis sûre que je reviendrai avec joie vers Richard Russo dès que le besoin se fera sentir.
Je vais faire ma fainéante : tous les liens de cette lecture commune sur plusieurs titres de Russo sont chez Ingannmic.
Et j’en profite pour participer au challenge de Brize.