Campagne

Il ramena tout son barda à sa maison, enchaînant les aller retours. Il commençait à suer à grosses gouttes. Quelle chaleur écrasante dans cette région. Il se sentit soulagé de retrouver la fraîcheur de son logement. Lui qui détestait être enfermé dans son appartement parisien découvrait le plaisir de profiter de son chez soi. Il se surprit à faire un brin de ménage et même à chantonner en passant le balai. Il donna à manger au chat. Installa le téléphone fixe, brancha sa box internet et fit toutes les manipulations possibles et imaginables pour que tout soit prêt dans 3 jours. Le gentil monsieur du magasin lui avait dit que ce serait le minimum au niveau des délais de raccordement. Il allait donc devoir prendre son mal en patience.

Le soleil commençait doucement à descendre dans le ciel et la forte chaleur se muait en une vague tiède et réconfortante. Tim entreprit de nettoyer la table et la chaise de jardin pour pouvoir s’improviser un apéritif à l’extérieur. Il découpa du saucisson, versa des chips dans un petit bol, ouvrit une bière et s’installa, lunettes de soleil sur le nez face à l’immensité du paysage. Quelques minutes à peine après s’être installé, il entendit un bruit à côté de lui. Une vieille dame aussi fripée qu’un pruneau vint poser une bouteille de Suze et un petit verre sur la table de Tim. Elle tira la chaise voisine et s’assit péniblement à côté de lui. Elle lui sourit et se versa d’une main tremblante un verre de l’alcool ambré. Tim ne pouvait s’empêchait de regarder ses mains pleines de tâches de vieillesse. Sa peau parcheminée semblait si fine. Son regard clair se tournait vers l’horizon flamboyant de l’Occitanie. Elle portait une simple blouse à fleurs sans manche et avait attaché ses cheveux gris de façon élégante. Tim vit des ongles vernis d’un rose pâle et pensa que la coquetterie n’avait pas d’âge. Ici, les jardins n’avaient pas de frontière. Il n’existait ni clôture, ni barrière. Un sentiment d’infinie liberté envahit le jeune homme. Le silence alentour avait un pouvoir apaisant. Peu à peu, les muscles de Tim se détendirent un à un, il se surprit à fermer les yeux et à respirer profondément, comme si pour la première fois il goûtait à l’air. Soudain, la vieille dame se mit à parler de sa petite voix douce. Elle expliqua à Tim qu’elle était née dans le village il y avait maintenant 85 ans dans la maison où elle habitait actuellement. Ses grands-parents vivaient dans la maison où logeaient Tim. Elle décrivit au jeune parisien, son grand- père courbait dans le potager à biner la terre, sa grand-mère pelant les pommes de terre, la voix de sa mère quand elle chantait des chansons occitanes. Elle lui dépeignit la fête des vendanges qui rassemblait tout le village sur la place de la Mairie. Elle expliqua à Tim que les enfants adoraient les vendanges car ils aidaient les adultes dans les vignes, la rentrée étant repoussée à début octobre. Le jeune homme écouta attentivement et goûta aux grains de raisins sucrés, il sentit la douce chaleur dans son dos courbé sur les ceps de vignes, la joie du bal qui fêtait la fin de la récolte. Transporté dans une autre époque par la douce voix de sa voisine, Tim regardait les environs avec un autre regard. Les alentours étaient empreints d’un riche passé, de souvenirs joyeux. La vieille dame venait de lui conter son premier bal des vendanges lorsqu’elle se leva lentement et retourna à sa maison à petits pas vers sa maison, laissant Tim seul dans les dernières lueurs du soleil couchant. Il embrassa à nouveau du regard le paysage en ramassant ce qu’il restait de chips, de saucisson et de bière. Juste avant de fermer sa porte, il tendit l’oreille. La voix de la vieille dame s’élevait doucement dans la nuit tombante, chantant une mélodie d’ici qu’il ne connaissait pas mais aimait déjà.