Le jardin de Rose (Hervé Duphot – Editions Delcourt)
Françoise ne respire pas la joie de vivre. On peut même dire qu’elle est un peu éteinte. Il faut dire que la vie de cette quinquagénaire n’a vraiment rien de passionnant. Elle vit dans un appartement minable dans un HLM gris et déprimant en banlieue parisienne, son mari ne s’intéresse absolument plus à elle, son fils et sa belle-fille ne viennent quasiment jamais la voir et pour couronner le tout, elle a perdu son travail. Et comme elle n’a pas de permis de conduire et que ses connaissances en informatiques sont très limitées, ses chances de retrouver un emploi sont à peu près nulles. Son avenir n’a donc rien de réjouissant, tant sur le plan personnel que professionnel. Mais un événement inattendu va venir chambouler les certitudes de Françoise. Sa voisine Rose, qui a la jambe dans le plâtre, reçoit un courrier lui annonçant qu’après des années d’attente, on vient enfin de lui attribuer une parcelle dans un jardin potager collectif qui s’appelle « Les beaux jours ». C’était le rêve de son mari Louis, malheureusement décédé depuis lors. Le hic, c’est que si Rose ne prend pas cette parcelle tout de suite, elle sera confiée à quelqu’un d’autre. La vieille dame demande donc à Françoise si elle veut bien se charger de son carré de potager, le temps qu’elle se rétablisse. Au début, Françoise est loin de se montrer enthousiaste. N’est-ce pas précisément pour fuir la campagne qu’elle a épousé Jean-Jacques et qu’elle est venue habiter en ville? Pour ne rien arranger, lorsque Françoise débarque aux « Beaux jours » en se faisant passer pour Rose, l’accueil des autres occupants n’est vraiment pas chaleureux. Mais jour après jour, Françoise découvre que le jardinage a des vertus thérapeutiques et elle se rend compte qu’elle a la main verte. Au milieu des fleurs et des tomates, elle réapprend à vivre. Mais forcément, le masque va finir par tomber. Combien de temps Françoise va-t-elle parvenir à se faire passer pour Rose aux yeux des autres locataires du jardin collectif?
« Il faut cultiver notre jardin », écrivait Voltaire à la fin de « Candide ». La célèbre formule du philosophe français s’applique évidemment à merveille à cette bande dessinée intimiste et pleine d’humanité. Dans « Le jardin de Rose », Hervé Duphot montre à quel point une simple petite parcelle de potager peut tout changer dans la vie d’une femme. A l’image de la couverture de l’album, qui dégage une grande impression de calme et de sérénité, l’auteur joue la carte de la simplicité. Il prend son temps pour raconter le lent retour à la vie d’une femme que plus personne ne regarde, à commercer par son mari, dont la seule préoccupation en-dehors de la belote et des jeux télévisés semble être de savoir ce que sa femme lui a préparé à manger. Au début de l’album, Françoise paraît complètement résignée, mais petit à petit, elle prend de l’assurance et elle s’ouvre à nouveau aux autres et au monde qui l’entoure. A l’image de son petit jardin, dont elle a d’abord beaucoup de mal à retourner la terre, elle retrouve progressivement des couleurs, tout en se faisant des nouveaux amis, ce qui ne lui était sans doute plus arrivé depuis une éternité. « Le jardin de Rose » est ce qu’on peut appeler une belle histoire: c’est un récit tout simple, raconté et mis en scène sans prétention et sans esbroufe par Hervé Duphot, qui change ici totalement de registre après avoir raconté la vie de Simone Veil dans une de ses bandes dessinées précédentes. Une jolie découverte.