Editeur : AutoéditionNombre de pages : 406 (+ une soixantaine de pages d’annexes)Résumé : Après leur périple dans le Jardin de l'Hiver, les conjurés sont de retour dans les terres du Levant. Alors que se dresse devant eux la toute-puissance du Premier vindicateur, ils doivent désormais s'introduire au cœur même de la forteresse impériale. Les démons rôdent... Il faut détruire l'Œuf de Tanglemhor.
Un grand merci à Azaël Jhelil pour l’envoi de ce volume et à la plateforme SimPlement pour avoir rendu ce partenariat possible.
- Un petit extrait -
« On ne s'élève que par la connaissance, récita Meldaïn. C'est l'une des premières choses qu'apprend le novice de Xaïmel. La curiosité n'est pas un si vilain défaut... »
- Mon avis sur le livre -
Sur la plupart des collectifs d’écrivains que je côtoie de près ou de loin, il est souvent affirmé que toutes les scènes doivent contribuer à faire progresser l’intrigue, et que celles qui ne le font pas doit être impitoyablement jetées aux oubliettes. Je le dis haut et fort : je ne suis pas d’accord. Du tout. Pour moi, une scène « inutile » pour le déroulement de l’intrigue peut parfaitement être utile pour autre chose, renforcer l’attachement du lecteur pour un personnage par exemple. C’est une chose (parmi tant d’autres) que j’apprécie énormément chez Azaël Jhelil : il n’a pas banni ces scènes de son récit. Bien au contraire. Il les collectionne, les bichonne, les parsème d’un bout à l’autre du livre comme on sème du bon grain. C’est ainsi que j’ai eu l’immense jour et honneur de rencontrer au détour d’une page la mère de Meldaïn, et d’ainsi apprendre à le connaitre sous une autre facette … plus banale, plus humaine, et par conséquent, moins héroïque …
C’est pourtant de héros dont ont grand besoin les habitants des Terres du Levant ! Après une année passée sur les terres glacées du bout des mers, en quête de l’ultime demeure d’un sorcier qui refuse de mourir, les membres de la Conjuration de Tanglemhor sont enfin de retour sur le continent. Ils ramènent avec eux l’artefact durement acquis permettant de détruire le terrible Œuf de Tanglemhor, qui offre à celui qui le contrôle le pouvoir d’invoquer les démons. L’heure est venue pour eux de priver enfin le cruel Empereur Krûl de ses alliés démoniaques. Mais la tâche est loin d’être aisée : pour pouvoir le détruire, encore faut-il parvenir à s’en approcher ! Pour cela, il va leur falloir pénétrer au cœur de la Tour-sans-entrée, au nez et à la barbe de l’être le plus vil que la terre ait jamais porté … Plus que jamais, les Conjurés ont besoin de toute leur audace, de tout leur courage et de toute leur ingéniosité : ils n’ont pas le droit à l’erreur. En effet, s’ils échouent, il n’y aura pas de deuxième chance.
Quatrième opus des Chroniques des secondes heures de Tanglemhor, ce tome est surtout le dernier du premier cycle de la saga. Le compte à rebours est enclenché : d’une façon ou d’une autre, on le sait, nos Conjurés vont se retrouver face à leur adversaire dans une confrontation qui promet d’être terrifiante. Par conséquent, ce volume est bien plus sombre, bien plus oppressant que les précédents : on le sent, de cet affrontement à venir va dépendre l’avenir de tout un monde. La pression qui repose sur les épaules de nos chers Conjurés est des plus insoutenables : qui sont-ils, pour porter sur eux le futur de milliards d’âmes ? Elle n’est qu’une petite Princesse vitaliste, habituée au confort et à la bienveillance. Il n’est qu’un Voleur, une fripouille de bas-étages sans foi ni loi. Il n’est qu’un Moine rescapé du massacre. Il n’est qu’un petit myrmidon qui aime les roses et la bonne chère. Il n’est qu’un ogre chassé de son clan. Il n’est qu’un rrënkïn qui cherche les insignes royaux de son peuple. Il n’est qu’un Grand Possédé qui vit au jour le jour sans penser au lendemain. Ils ne sont qu’un petit groupe disparate qui menace d’éclater à chaque instant tant ils sont différents. Et pourtant, ils sont les seuls à pouvoir mettre fin à la tyrannie de cet être abject qui se fait appeler Empereur.
Contrairement aux tomes précédents qui débutaient sur les chapeaux de roues, celui-ci nous fait languir : pendant plusieurs chapitres, nos Conjurés sont totalement absents. Nous suivons la résistance elfique, nous suivons une tentative manquée de coup d’état … Où sont-ils donc ? Que leur arrive-t-il ? Petit à petit, la pression monte. Et quand nous les retrouvons enfin, c’est pour mieux patienter : quelques embuches se dressent bien sur leur chemin, mais rien à faire, la confrontation se fait attente. Quand vont-ils enfin tenter leur chance au lieu de profiter des bons petits plats mitonnés par la maman de l’Ombre ? Ils causent, ils tergiversent, ils se disputent, mais ils n’agissent pas ! La pression se fait insoutenable. Nos nerfs vont craquer. Mais pourtant, au fond de nous, on est soulagé : tant qu’ils ne s’exposent pas, il ne leur arrivera rien. Car au fil des pages, au fil des chapitres, au fil des tomes, on s’est attaché à eux, comme à de bons vieux amis, comme à des membres de notre famille. Et on tremble d’effroi à l’idée qu’il puisse leur arriver des bricoles. A l’idée d’en perdre un. Ou plusieurs. Il faut dire que nos Conjurés ont le sens du sacrifice, mais aussi, pour certains, une certaine indifférence quant à la perspective de vivre ou de mourir. Alors que l’heure fatidique approche à tout petits pas, nos compagnons se plongent dans de grandes réflexions.
Car c’est là un des points éminemment positifs de cet opus : loin d’être un catalogue de combats sanguinolents et épiques, ce roman nous présente des luttes plus psychologiques, plus métaphysiques. Face à la mort qui plane, nos héros s’interrogent sur le sens de la vie, de leur vie, sur leurs croyances et leurs aspirations, sur le bonheur, la paix, la liberté, et même sur le bien-fondé de leur épopée. J’ai énormément apprécié leurs longues conversations, leurs débats, j’ai pris plaisir à découvrir leurs différents points de vue, comme autant de vérités contradictoires. J’aime quand la fantasy se mêle à la philosophie, quand les batailles ne sont pas uniquement menées à la pointe de l’épée, quand les personnages se questionnent au lieu de foncer tête baissée. J’aime la fantasy sérieuse … mais j’aime aussi rigoler. Et rassurez-vous, malgré le ton bien plus sombre de cet opus, notre narrateur bien-aimé n’a rien perdu de sa verve, de son humour, de son insolence. Les notes de bas de page sont parfois à mourir de rire, et l’ironie qui pique par-ci par-là est un vrai baume au cœur. De même que la plume, d’une richesse, d’une beauté, d’une poésie rare, qui transforme chaque phrase en petite merveille littéraire. Quel régal que de lire un roman si bien écrit, où la langue française s’épanouit à ravir ! C’est aussi ce style qui nous fait vivre avec tant de force ce récit, qui nous happe, qui nous captive.
En bref, vous l’aurez bien compris, c’est encore une fois un vrai coup de foudre pour cet opus qui boucle en beauté ce premier cycle ! Du début jusqu’à la fin, l’auteur joue avec nos nerfs : d’un côté, il nous fait languir de ce face à face final qui déterminera l’avenir de tout un monde, et de l’autre, il nous fait craindre cette confrontation qui risque de nous arracher l’un de nos compagnons de route. Tandis que nos héros se dévoilent progressivement, qu’ils ôtent le masque de héros pour retrouver leur visage d’hommes et de femme tiraillés entre leur sens du devoir et la peur de mourir, tandis que leurs relations s’épanouissent progressivement, le lecteur ne sait plus quoi penser, quoi espérer. Oui, ce tome est indiscutablement le plus émouvant de tous jusqu’à présent. Et aussi le plus haletant : j'ai plus d'une fois cru que mon cœur allait lâcher tant il s'emballait, tant j'étais happée par l'histoire, par ces moments de tension insoutenable. Vraiment, c'est une réussite pour cet opus ... Et maintenant débute la cruelle et douloureuse attente du cycle suivant, car l'histoire est loin, très loin d'être terminée ! D’autant plus que la fin nous laisse dans une incertitude insoutenable, quelle torture de devoir attendre !