Un roman de Pascal Manoukian, une BD de Younn Locard et Florent Grouazel

Un roman de Pascal Manoukian, une BD de Grouazel et Locard.

Deux lectures en un billet, le point commun : la différence.

De quelle manière les personnes dites « civilisées » traitent les populations locales, que ce soit au XIXème siècle en Nouvelle-Calédonie ou aujourd’hui en Amazonie. Vaste sujet, qui a le don de me mettre dans un état d’énervement indescriptible.

Un roman de Pascal Manoukian, une BD de Younn Locard et Florent Grouazel

Publié au Seuil en janvier 2020

328 pages

« Les choses n’ont de valeur que celle qu’on leur invente ».

Le roman de Pascal Manoukian, auteur dont j’ai lu tous les livres, m’a étonnée. Cet auteur sait se renouveler. Dans ce roman, il s’appuie sur son vécu pour relater l’histoire d’un groupe d’Indiens isolés et au bord de la disparition totale, qui vit dans la forêt Amazonienne. Un homme, tel l’aviateur du petit prince, va s’écraser avec son petit avion dans la canopée. Recueilli par la tribu des Yacous, traité d’abord comme un animal, il va peu à peu apprendre à les connaître, pour vivre à leurs côtés jusqu’à ce qu’ils rencontrent les hommes qui exploitent (non pardon, qui détruisent) la forêt pour le bien-être des occidentaux.

J’ai aimé l’écriture fluide de ce roman qui m’a permis de passer quelques heures de lecture agréables au début de la période de confinement. La question de notre rapport à la nature est posée, notre société de consommation et la mondialisation sont épinglées. C’est un roman d’aventures, à l’allure légère, la situation inversée est cocasse, l’homme blanc est devenu l’animal sauvage, et le lecteur s’en amuse. Mais il émane de ce roman une réflexion grave sur l’Homme et sur ce qu’il dégage.

La suffisance des occidentaux qui possèdent les dernières technologies et qui regardent avec mépris et hauteur les peuples qui ne sont pas entrés dans  notre processus de destruction, est esquissée en contrepoint. Bien sûr que je n’aurais aucune envie de vivre comme cette tribu, parce que j’ai été élevée avec un mode de vie différent, mais est-ce une raison pour les juger ? Pour les exploiter ? Pour les humilier ? Pour faire de leurs femmes des putes et de leurs hommes des esclaves ? Pour les empêcher de vivre à leur manière, avec leurs croyances et leurs traditions ?

Le roman de Pascal Manoukian a le pouvoir d’ouvrir un chemin dans notre esprit, il allume des petites lumières dans l’obscurité de notre société mondialisée, prisonnière d’un capitalisme féroce.

Malheureusement, l’homme s’est toujours cru supérieur à d’autres hommes, à ceux dont il ne comprenait pas le mode de vie. L’homme occidental pense qu’il est plus sain de manger avec une fourchette et un couteau et ne tolère pas une façon différente de faire… Ce n’est qu’un exemple, à l’apparence anodine mais qui en dit long sur l’intolérance et l’arrogance.

Et ce dernier point permet de faire une transition entre ce roman et la BD de Grouazel et Locard.

Un roman de Pascal Manoukian, une BD de Younn Locard et Florent Grouazel

Publié chez Actes Sud en novembre 2013

221 pages

« Je vais l’empailler ! C’est tout à fait faisable ! Ce sera une première ! »

Ici nous sommes en 1837, quelque part sur la côte de la Nouvelle-Calédonie. Les Français ont décidé de ramener en France, sur leur bateau, un spécimen, un sauvage, un sujet d’étude. Cette BD est extrêmement bien faite. C’est un huis-clos en mer. On ne sait d’où va venir le danger, tous ces hommes sur le bateau ont des raisons de détester Eloi ou de le défendre. Ceux qui le défendent, ne le font pas pour lui mais pour leur propre cause : la science, ou la religion. Cette BD m’a mis les nerfs en pelote. La bêtise humaine est grande, l’ignorance rend les hommes mauvais et sanguinaires.

Le graphisme en noir et blanc accentue la tension. J’ai, en revanche, été gênée à plusieurs reprises par l’aspect physique des personnages, j’avais du mal à les distinguer les uns des autres. Mais ce n’est qu’un détail qui ne m’a pas empêchée d’apprécier à sa juste valeur cette BD historique.