Bientôt dans ma PAL ? #5

Dans l’esprit des Premières Lignesj’ai envie de partager avec vous un autre rendez-vous hebdomadaire : celui de livres qui me tentent, et qui rejoindront (peut-être ?) bientôt ma PAL. Et ce n’est ni en fonction des sorties littéraires, ni des différents challenges ou prix : juste ceux qui me parlent au moment où ils me tombent sous la main…

La commode aux tiroirs de couleurs

d’Olivia RUIZ

« Je te confie ma médaille de baptême, cariño, elle a été mon seul compagnon « de valeur » du voyage. Depuis toujours, on me disait d’y faire attention comme à la prunelle de mes yeux, alors je me sentais riche de la posséder. J’imaginais qu’en la vendant je pourrais me sortir de toutes les situations.

J’ai été baptisée tard pour l’époque. Mes parents et leur agaçante modernité ! Ils attendaient que je sois capable de choisir mon Dieu. Heureusement que mes grands-parents s’en sont mêlés, car moi je voulais juste être comme les autres, comme les miens, reconnue et protégée par ce Dieu-là, le leur, le même. J’ai vécu ce moment avec un sérieux, que dis-je, une solennité qui a beaucoup ému ma mère et fait beaucoup rire mon père. Je portais une jolie robe de soie blanche. Ma famille possédait quelques champs de mûriers où elle élevait des vers à soie, alors les tisseurs nous arrangeaient pour les grandes occasions. Un jour mon grand-père a ravagé l’un de ses champs en se fabriquant des ailes avec les branches de ses mûriers. Nous avons tous été conviés à l’envol… droit vers le sol ! Il ne fit aucune expérience des cieux, juste celle d’une terrible douleur à la hanche droite qu’il garda toute sa vie. Mais enfin ça, mi cielo, c’est une autre histoire.

Regarde, ma médaille est à l’effigie de saint Christophe, le patron des voyageurs. C’est drôle, car l’exil était mon premier pas hors d’Espagne, et la France ma dernière destination, tu parles d’une globe-trotteuse ! La semaine qui a précédé notre départ, ma mère a cousu une minuscule poche à l’intérieur de chacune de nos culottes. « Toi, Rita, tu dormiras avec ta médaille autour du cou ou autour de ton poignet, et tous les matins tu la rangeras dans la poche de ta culotte du jour. Elle sera toujours avec toi et personne ne pourra te la voler. Tu la porteras à nouveau sans crainte dès que les républicains auront gagné. » Sans crainte de quoi ? Je n’ai pas eu le temps de poser la question. Maman savait bien que je n’avais jamais eu peur de rien. Je tenais ça de mes parents d’ailleurs. Et monter dans un train pour la France, ce n’était pas plus insensé que se faufiler dans les bois à la nuit tombée pour que les adultes organisent la résistance. Pendant ce temps, au lieu de jouer aux cow-boys et aux Indiens, nous, les enfants, on jouait aux franquistes et aux républicains. Tous voulaient être communiste, anarchiste ou socialiste, parce qu’ils gagnaient toujours à la fin. Oui, les républicains, c’étaient ceux-là, tous les courants de la gauche réunis contre Franco, dans une entente toute relative vers un même dessein. »

Bientôt dans ma PAL ? #5

Résumé éditeur :

À la mort de sa grand-mère, une jeune femme hérite  de l’intrigante commode qui a nourri tous ses fantasmes  de petite fille. Le temps d’une nuit, elle va ouvrir  ses dix tiroirs et dérouler le fil de la vie de Rita, son Abuela,  dévoilant les secrets qui ont scellé le destin de quatre générations  de femmes indomptables, entre Espagne et France,  de la dictature franquiste à nos jours.

Éditions JC Lattès – Kindle – Paru le 03/06/2020

J’aime déjà beaucoup les textes de ses chansons, alors j’imagine la poésie et l’humour dont elle a dû parsemer cette histoire !

Vous aussi ça vous tente ?

Dans tous les cas, bon week-end et… bonne lecture !