Sans aucun doute un récit qui reste en tête et qui nous donne de l’espoir lorsqu’on en arrive au bout.
Une très belle plume pour un roman difficile mais nécessaire.
╰☆ Résumé ☆╮
Pauline, six ans, et sa petite soeur Clémence coulent des jours heureux sur l’île qui les a vues naître, la Réunion. Un matin de 1963, elles sont kidnappées au bord de la route et embarquées de force dans un avion pour la métropole, à neuf mille kilomètres de leurs parents. À Guéret, dans la Creuse, elles sont séparées.
1998 : quelques phrases à la radio rouvrent de vieilles blessures. Frappée par le silence dans lequel est murée sa mère, Caroline, jeune journaliste, décide d’enquêter et s’envole pour la Réunion, où elle découvre peu à peu les détails d’un mensonge d’État.
À travers l’évocation de l’enlèvement méconnu d’au moins deux mille enfants réunionnais entre 1963 et 1982, dans le but de repeupler des départements sinistrés de la métropole, Ariane Bois raconte le destin de deux générations de femmes victimes de l’arbitraire et du secret.
L’histoire d’une quête des origines et d’une résilience, portée par un grand souffle romanesque.
✿ Mon avis ✿
Grâce à ce roman, Ariane Bois prend le courage de mettre en lumière une partie sombre et secrète de la France. Un pan que peu de gens connaissent mais qui pourtant a réellement existé entre 1963 et 1982 : l’enlèvement d’au moins 2000 enfants réunionnais et leur ‘importation’ dans des communes françaises que l’on désirait « repeupler ».
Un roman à la plume douce et délicate. Qui ne cache rien. À travers deux voix, celle d’une petite fille déportée avec sa sœur lorsqu’elles étaient enfants et l’histoire d’une jeune femme qui souhaite comprendre le passé de sa mère, nous découvrons ici une histoire déchirante de destins volés et de famille déchirée.
Ce livre a entièrement sa place dans la catalogue Charleston et je comprends tout à fait pourquoi il figure dans les romans sélectionnés pour le Prix des Lectrices. Les protagonistes sont des femmes fortes, qui cherchent leur indépendance. Et l’histoire en elle-même est poignante de vérité.
J’ai autant apprécié la première moitié de l’histoire, où nous découvrons à travers les yeux d’une enfant, comment cette partie de l’Histoire s’est déroulée et tout le mal que les personnes impliquées ont pu faire à des centaines… des milliers de familles et d’enfants en les arrachant à leur foyer dans l’espoir de leur donner ‘un futur plus brillant’, que la seconde où nous effectuons un retour aux sources avec cette jeune adulte qui tente de retracer l’histoire de sa mère et, par extension, de ses propres racines.
Le roman n’est pas bien long mais nous avons bien le temps de nous immerger dans ce contexte historique. C’est cruel de découvrir ce que certains « accueillants » faisaient de cette main d’œuvre gratuite. Et troublant aussi de s’imaginer découvrir lorsqu’on est adulte que tout un passé, une culture et une famille nous a été arraché, simplement pour faire du business.
Bien sûr les personnes impliquées à ce moment-là utilisaient des excuses pour se donner bonne conscience : « c’est pour leur bien, ils pourront aller à l’école et avoir une éducation, les pauvres d’ici ne peuvent pas s’en occuper correctement »… Mais au final, toute cette histoire se résume à une seule chose : on a volé des enfants. On les a pris sur leur terre d’origine et on les a expédié sans billet retour et sans espoir de revoir leurs parents.
Sans aucun doute un récit qui reste en tête et qui, tout compte fait, nous donne de l’espoir lorsqu’on en arrive au bout. Une très belle plume pour un roman difficile mais nécessaire. Un grand merci aux éditions Charleston pour cette découverte et à Ariane Bois pour avoir pu ainsi mettre en lumière ce pan de l’Histoire méconnu et tragique.
CHRONIQUE #578 – Juin 2020
Titre: L’île aux enfants
Auteur : Ariane Bois
Editeur : Charleston
Parution : mai 2020
Nombre de pages : 224 pages
Genre : Littérature