Il ne fait aucun doute que le dessin est devenu un art narratif à part entière. L’année dernière encore, c’était dans le domaine de la bande dessinée que le mot « autrice » était employé couramment (« autrice BD »), alors qu’il demeurait contesté dans la littérature proprement dite. Mais aujourd’hui on dit « autrice » à propos de toutes sortes d’œuvres de femmes.
Toutefois, le dessin est un art risqué, car les lignes tranchées ont quelque chose d’intrinsèquement simplificateur. Un dessin animé de 2017, Parvana, de l’Irlandaise Nora Twomey, caricaturait l’Afghanistan jusqu’au ridicule. Une bande dessinée d’Hélène Aldeguer parue cette année, Ce qui nous sépare, accumule les évidences sur les difficultés d’être un étudiant étranger en France, sans rien apprendre à ses lecteurs et lectrices.
Il s’agit de scènes de la vie d’un étudiant Tunisien qui obtient une bourse pour des études d’Histoire à Paris en 2016, durant les derniers feux du Printemps Arabe. On y voit qu’en France, la culture arabe est suspecte de terrorisme et que les parents s’inquiètent que leur fille ait un petit ami musulman. On voit que la police tunisienne est violente avec les manifestants. Ne sait-on pas déjà tout cela ?
De la culture tunisienne, de son étonnant libéralisme et de son rapport complexe et variable avec son passé de protectorat français, on ne saura rien dans cet ouvrage, qui aurait pu être écrit à l’identique sur un étudiant marocain ou algérien. Dommage !
Hélène Aldeguer, Ce qui nous sépare, éd. Futuropolis, 104 p., 18€.