Parution : 08/2020
Résumé
Citéruine est une ville désolée, vidée de ses habitants, usée par le temps et l’abandon — guerre ? épidémie ? génocide ? effondrement ?… Elle est le reflet parallèle, le reste ou le cauchemar d’une ville possible, d’une grande ville étale sans centre ni périphérie, une mégalopole postindustrielle et surpeuplée, urbanisée à l’excès qui a ou qui a eu pour nom Citéville.
L’une et l’autre cités ont été dessinées par Jérôme Dubois, toutes deux selon le même découpage, les mêmes cadrages, la même fatale temporalité. Mais là où Citéville grouille de stupides turpitudes, s’alimente de ses déchets et assure la reproduction des monstres humains qui l’ont bâtie, Citéruine dresse ses abattis, laisse calmement miroiter son squelette sous les durs néons qui lui restent. S’étant débarrassée de ses occupants ou bien ayant été délaissée par eux, qu’importe, ayant abandonné tout espoir, Citéruine a quitté son pauvre statut de décor. Elle est désormais paysage, et paysage animé : ses contours et ses lieux reprennent le flambeau de la narration, rejouent la comédie urbaine pour eux seuls, et tournent dans la nuit, dévorés par le feu. Il a été confié aux éditions Cornélius de porter le destin de Citéville, tandis que les Éditions Matière accueillent Citéruine. Les deux villes communiquent et se complètent en deux ouvrages distincts dont les lectures simultanées ou différées sont autant de perturbations d’un même espace par le temps et ses affres.profondément étrange. Nous vous invitons d’ailleurs à pénétrer l’univers graphique de l’auteur sur son site.
Notre avis
. <= Caché ici.
En deux mots
Citéruine, Citéville.
Jean-Claude Attali
Lien vers la page des Éditions Matière.
Retrouvez la chroniques de l’album « Bien Normal » de Jérome Dubois sur notre site.
Quelques mots sur l’auteur : Jérôme Dubois est né en 1989 à Rueil-Malmaison. Un cursus aux Ateliers de Sèvres (Paris) et aux « Arts déco de Strasbourg » (HEAR, Haute École des arts du Rhin) suivi de quelques voyages le mène aux portes des éditions Cornélius. Sous le titre Jimjilbang, il y publie en 2014 le récit d’un périple désenchanté en Corée. Les titres suivants, Tes yeux ont vus (2017, sélection FIBD Angoulême 2018) et Bien normal (2018) poursuivent l’exploration circonspecte d’un monde sombre et angoissant – le nôtre – où, de façon très significative, la figure humaine, lorsqu’elle n’est pas grotesque, est une sorte de masque inachevé et insipide posé sur des êtres cruels, lâches ou stupides. Jérôme Dubois transporte régulièrement sa misanthropie dans la revue Nicole et dans La Revue dessinée. Fortement ancrée dans l’imaginaire, la fiction, le fantasme – souvent dans la part la plus cauchemardesque du fantasme –, l’œuvre de Dubois repose néanmoins sur un sens aigu de l’observation des situations, du langage, des rapports humains. Jérôme Dubois s’inscrit en cela dans une certaine tradition critique de chroniqueurs et de « moralistes » voués à offrir à leurs contemporains le miroir déformé de leurs turpitudes et de leurs travers. À mi-chemin du fantastique et de la critique sociale, il met en place des situations précisément réglées qui touchent juste par la rigueur de leur mise en scène, par la minutie de leur dessin, par leur inventivité, mais aussi, mais surtout, par la tonalité dont il les nimbe. Chez Fidèles éditions, il a initié, sous la forme de brefs fanzines risographiés, la parution en épisode de Cituéruine, tandis que dans la revue Nicole paraissaient parallèlement les épisodes de Citéville. C’est de ce dispositif initial qu’est né le projet de publier dans deux maisons d’édition distinctes le diptyque Citéville / Citéruine, le premier chez Cornélius, le second aux Éditions Matière. L’espace-temps vertigineux créé par les deux ouvrages, permet à ses lecteurs d’éprouver très concrètement la pure, simple et totale disparition de l’humanité. Puisqu’on vous dit que Jérôme Dubois est un garçon charmant…