Ce qui est bien avec les aventures liées à notre blog littéraire, c'est qu'elles nous font sortir de nos petites habitudes. En rencontrant les éditeurs de L'Homme sans nom, lors du Salon du Livre de Paris, nous avons eu un coup de cœur pour leur travail. Leurs magnifiques couvertures y sont pour beaucoup, mais ils se sont présentés comme des éditeurs exigeants et pointilleux, ce qu'a confirmé ma lecture de La 25e heure de Feldrik Rivat.
Voici la quatrième de couverture : Décembre 1888. Alors que le bon peuple de Paris s'interroge sur cette tour que l'impérieux Gustave Eiffel fait édifier à grands frais, d'étranges rumeurs circulent dans les faubourgs de la capitale : les morts parlent ! Interpellé par la presse à ce sujet, le préfet de police M. Henry Lozé tourne en ridicule " les plaisanteries de quelques coquins ".Ainsi parle-t-il devant le beau monde, sous les feux électriques du parvis de l'Opéra Garnier. Mais, depuis l'ombre de ses cabinets, l'homme lance sur cette affaire les plus fins limiers de la République. Pendant ce temps, l'Académie des sciences en appelle à ses éminents savants pour que la pensée rationnelle, une fois pour toutes, triomphe des ténèbres de l'obscurantisme.
Avec ce roman, je me suis sentie complètement immergée dans le Paris de la fin du XIXe siècle, au moment de l'érection de la Tour Eiffel. Les précisions des descriptions, les détails liés au contexte, les données historiques, le langage, tout y est. Si effectivement, au début de ma lecture, j'ai trouvé le style un peu surfait, il participe en réalité de cette immersion dans l'époque et j'ai très rapidement été happée sans trouver quoi que ce soit de superficiel dans cette écriture.
L'histoire, maintenant. Je ne vais pas vous mentir, c'est vraiment une intrigue complexe. Avec une fin à la Shutter Island, dont on ne sait trop quoi penser. Dans cette enquête autour d'un cadavre disparu (un seul, au début !), on côtoie les bourgeois de Paris, de l'ésotérisme, des fanatiques, du fantastique et de sombres histoires familiales. C'est un mélange détonant qui fait que l'on s'accroche très facilement et très rapidement et que ce roman devient un véritable page-turner. A tel point que j'ai hâte de découvrir la suite, Le Chrysanthème Noir. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus sous peine de faire trop de révélations, mais on navigue entre des corps disparus, des fantômes errants, des intrigues politiques, des doigts sectionnés, des dirigeables, des asiles psychiatriques. A une époque où Victor Hugo lui-même tentait d'invoquer l'esprit de sa fille Léopoldine, l'ensemble est parfaitement construit et crédible.
Quant aux personnages, je les ai trouvés fascinants. Surtout Lacassagne. Un enquêteur d'un immense talent, auréolé de mystères dissimulés sous des manières associables, voire détestables. Son histoire est déroulée très progressivement. Lacassagne ne fait confiance à personne et ne laissera libre accès à son passé qu'à Bertillon, le bleu, au bout de plusieurs semaines et pour une question de vie ou de mort. Sa vie est d'ailleurs d'une richesse et d'une complexité que je ne peux pas vous rendre ici. Bertillon est, d'une tout autre manière, très intéressant. Le bleu naïf et admiratif de son mentor, qui porte des semelières, devient progressivement un fin limier, courageux et rebelle.
Vous l'aurez compris, c'est une lecture qui m'a séduite. Elle m'a changé de mes habitudes et je me suis laissée guider par Feldrik Rivat, à travers les méandres d'une capitale mi-réaliste, mi-fantastique, dans un monde qui semble arrêté dans une dimension parallèle, pas si étrangère que cela à celle que nous connaissons. Si vous avez envie de frissons, mais pas d'horreur ; d'enquête policière, mais pas seulement ; de récit d'époque mais d'un rythme haletant, vous serez servis avec La 25e heure. Alors, convaincus ?
Priscilla