Derrière les panneaux il y a des hommes de Joseph Incardona

Derrière les panneaux il y a des hommes de Joseph Incardona Derrière les panneaux il y a des hommes de Joseph Incardona, Publié aux éditions Pocket, 2020, 336 pages.

Pierre a tout abandonné, il vit dans sa voiture, sur l'autoroute. Là où sa vie a basculé il y a six mois.
Il observe, il surveille, il est patient.
Parmi tous ceux qu'il croise, serveur de snack, routiers, prostituées, cantonniers, tout ce peuple qui s'agite dans un monde clos, quelqu'un sait, forcément.
Week-end du 15 août, caniculaire, les vacanciers se pressent, s'agacent, se disputent. Sous l'asphalte, lisse et rassurant, la terre est chaude, comme les désirs des hommes. Soudain ça recommence, les sirènes, les uniformes. L'urgence. Pierre n'a jamais été aussi proche de celui qu'il cherche.

Derrière les panneaux il y a des hommes est un roman d'une noirceur extrême, peut-être le roman le plus noir que j'ai pu lire à ce jour. On suit Pierre, médecin légiste, qui erre sur l'autoroute à la recherche de sa fille, Lucie, enlevée sur une aire. Enfin, Pierre cherche plutôt celui qui a pu faire ça car il n'a plus guère d'illusion sur le sort de sa fille. Seule la vengeance l'anime à présent. Faire payer le salopard qui s'en est pris à sa fille. Pierre en est persuadé, il a affaire à un pervers qui va récidiver. Ce 15 week-end du 15 août, Pierre obtient enfin ce qu'il veut. Une autre jeune fille, Marie, est enlevée...

Ce roman concentre à lui tout seul la noirceur la plus crasse: la violence, le sexe, la misère sociale et culturelle. Dès le départ, on sait qui a enlevé et tué Lucie. L'auteur n'en fait aucun mystère. Le lecteur va suivre l'enquête de Pierre qui ne cherche qu'à se venger et l'enquête des gendarmes. On aperçoit aussi la vie de ceux qui ont perdu un enfant dans cette histoire: Ingrid, la femme de Pierre, qui noie son chagrin dans l'alcool et le sexe; les parents de Marie, un couple qui explose en plein vol; les errances de Pierre sur l'autoroute.

L'autoroute est un des personnages du roman. C'est un microcosme de notre société dans lequel nous ne sommes que de passage. L'auteur y montre un monde sale et crasse: les prostituées, les employés, les vacanciers qui se côtoient sans jamais vraiment se regarder. Le roman n'y va pas avec le dos de la cuillère et n'épargne pas son lecteur mais il montre la vie dans ce qu'elle a de plus crue: le sexe y apparaît très souvent; la cupidité des hommes; la violence partout, tout le temps.

L'écriture de Joseph Incardona est très resserrée, économe et efficace. Les phrases sont courtes, percutantes, lapidaires, souvent sans verbe conjugué mais elles vont parfaitement avec les thèmes abordés par l'auteur et mettent en exergue la violence par les mots et les tournures.

Les personnages sont tous très forts et percutants. Il y a Pascal, le serveur du restoroute que personne ne voit, un pauvre type échoué là; Lola, la prostituée qui offre ses services aux camionneurs le long de l'autoroute, une façon d'échapper à une vie à laquelle elle a tourné le dos; Julie, la capitaine de gendarmerie, déterminée, peut-être froide par certains aspects. Toute cette galerie de personnages est d'un réalisme cru, sans fard et donne du poids au roman.

Il y a enfin cette intrigue. Derrière les panneaux il y a des hommes se lit comme un thriller et il m'a été difficile de le lâcher malgré sa violence qui nous éclabousse au passage. On a envie de savoir su Pierre réussira à se venger. Si le kidnappeur sera enfin arrêté. Le rythme est soutenu et nous embarque sans ménagement.

" Derrière les panneaux il y a des hommes " est un roman d'une crudité et d'une violence extrêmes avec un style particulier qui passe ou qui casse. Joseph Incardona nous offre un joyau sombre et sans éclat d'une intensité forte.