Il était deux fois

Je n’avais pas lu Franck Thilliez depuis longtemps. Trop longtemps. Aussi, dès que j’ai vu son dernier ouvrage en tête de gondole, je n’ai pu faire autrement que craquer ! Ma PAL étant pleine pour, au moins, les six mois à venir, je m’étais promis de l’alléger un peu avant de racheter des livres. Mais c’était sans compter sur ma faiblesse devant ce nom si cher aux amateurs de thrillers, dont je fais évidemment partie.
Mon calendrier de lecture – et donc mes publications – était réglé au cordeau jusque mi-octobre. Entre les livres que j’allais piocher au gré de mes envies, et ceux relevant d’un partenariat avec l’auteur ou l’éditeur, j’avais calé les dates afin de respecter les délais pour tout le monde.
Puis j’ai allumé ma télé. J’ai vu que les invités de la prochaine « Grande librairie » n’étaient autres que Douglas Kennedy, Bernard Minier et… Franck Thilliez !
Vous vous doutez bien qu’après les avoir écoutés une bonne heure et demie, ma belle organisation a volé en éclats… Donc pour une fois bien finir le mois, je vous livre à chaud (ou presque) mon ressenti sur ce petit bijou.

Il était deux fois

528 pages – Éditions Fleuve Noir – Broché (22,90€) – Kindle (17,99€)

Mon Avis :
Quand on referme un livre et que les personnages trottent encore dans nos têtes les jours qui suivent, qu’on revoit les lieux  des différentes scènes, qu’on repense aux aventures palpipantes (souvent angoissantes !) qu’on a partagées avec les hommes ou les femmes qui les ont faites, aux indices qui auraient pu nous mettre sur la voie, aux limites qui ont été franchies… c’est signe que l’auteur a rempli sa mission : embarquer le lecteur dans son univers, pour l’emmener où il voulait depuis le début, lui montrant des choses insoupçonnées.
Et c’est le cas avec IL ÉTAIT DEUX FOIS.

On n’a pas encore ouvert le livre qu’il y a déjà une disparition et des centaines de questions. L’enquête est menée par Gabriel Moscato, lieutenant de gendarmerie et père de la victime.
Lorsqu’il se réveille dans cette chambre 7, désorienté, avec des affaires qui ne sont pas les siennes et l’inquiétude grandissante qui l’envahit, Gabriel bascule dans un monde qui n’est pas le sien.
Imaginez vous en déplacement, vous endormir dans la chambre anonyme d’un hôtel aussi glauque que miteux – clin d’œil au fameux Overlook de Shining – et vous réveiller dans une chambre tout aussi anonyme, mais différente ! Que ressentiriez-vous ?
C’est ce qui arrive à Gabriel, sauf que lui, il enquêtait sur la disparition de sa fille. Il se souvient parfaitement de sa soirée : sa conversation avec le réceptionniste, la consultation du registre, et… son endormissement dû à la fatigue des dernières semaines. En plus, en pleine nuit, le fracas des oiseaux sur les toits sur des kilomètres à la ronde n’a rien de rassurant ! Atmosphère volontairement Hitchkockienne en ce début de roman (Les oiseaux, 1963 ; film inspiré de la nouvelle éponyme de la romancière britannique Daphne Du Maurier, publiée ne 1952), et Thilliez nous a déjà pris au piège dans sa toile ses pages.
Moscato pose des questions, va voir ses collègues qui ne le sont plus, découvre qu’il n’habite plus dans sa maison et que sa femme est à présent celle d’un autre. Il se retrouve mis à l’écart, au mieux considéré comme un fou, et pris en grippe par ceux qui le soutenaient jusqu’à « hier ».
On apprend qu’il souffre en fait d’une amnésie psychogène rétrograde. C’est à dire qu’il se souvient parfaitement de tout ce qui s’est passé jusqu’à cette fameuse nuit dans l’hôtel, et enregistre tous les événements depuis son réveil dans la chambre 7. Mais sa mémoire lui joue des tours, et son disque dur interne lui a volé douze ans de sa vie.
Grâce à quelques détails, et à son cerveau qu’il sollicite en urgence et en continu, voici l’ex-lieutenant Moscato reparti sur les traces de sa fille. On est en 2020, et depuis 2008, il s’en est passé des choses…

La plume de Thilliez est toujours addictive, l’histoire est précise et documentée comme on aime, avec une touche d’humour (si si !) et les clins d’œil  qui vont avec :

« Pour le lieutenant Bernard Minier et son équipe va commencer une longue descente aux Enfers, la traque infernale d’un tueur impitoyable,… »

Ce livre est clairement la suite du Manuscrit inachevé, mais n’est pas présenté ainsi, et pour cause : ce sont les recherches (et découvertes !) de Moscato qui vont mener le lecteur à la clé du précédent roman, et plus encore… Rassurez-vous, il n’est pas nécessaire de l’avoir lu pour comprendre l’intrigue ici, mais votre lecture manquerait de saveur. L’auteur mêle habilement l’art et le morbide, jusqu’à la disparition de la moindre once d’humanité chez les amateurs ; et ça fait froid dans le dos ! (Mais y a vraiment des gens qui font ça ? )
Chaque chapitre distille des indices et fait avancer l’enquête. Mais chaque chapitre ouvre une porte sur un nouveau mystère, un autre pan de l’énigme tentaculaire et infinie que cette histoire semble être, et dont Franck Thilliez nous livre les codes avec l’ingéniosité et le machiavélisme qui le caractérisent. Et on n’est pas au bout de nos surprises ! Mais chuuuut… Je ne voudrais pas spoiler !
Evidemment, les personnages sont charismatiques, torturés et semblent ancrés dans la réalité : on pourrait presque les toucher, leur parler. Leur psychologie est creusée, rien n’est laissé au hasard, leurs vies seraient presque banales s’il n’y avait pas cette disparition dont l’enquête est au point mort. Il joue avec leur mémoire – thème qu’il affectionne particulièrement – et avec nos nerfs. Plus on en découvre, plus on veut savoir !

Bon, j’ai été (un peu) plus bavarde que d’habitude, mais vous l’aurez compris : inquiétant, époustouflant, bluffant, ce livre est un des meilleurs de l’auteur, sinon LE meilleur. Chapeau monsieur Thilliez ! Et merci.

* Après avoir choisi de les ignorer, je peux maintenant lire les chroniques/critiques de ce chef-d’œuvre sereinement. *