Marcel Leroy.
Neuf kilomètres à pied, cela use sans doute un peu. Cela permet surtout de réfléchir. C'est ce que fait le marcheur que nous présente Marcel Leroy dans "Adios, Fangio" (Lamiroy, "Opuscule", 42 pages), le 150e opus de la collection qui affiche maintenant trois ans de publications hebdomadaires. Une longue nouvelle mêlant le coronavirus du printemps 2020, la fascination pour les voitures des générations du vingtième siècle et le réchauffement climatique. Une longue nouvelle où on retrouve l'attention à l'humain et à ses interrogations du journaliste belge à la retraite mais toujours free-lance, auteur de plusieurs livres de reportage et de mémoire.
"Adios, Fangio" ressemble à un long monologue à la troisième personne. Celui que permet la marche en solitaire sur une route déserte, confinement lié au coronavirus oblige. Le héros marche et pense. Il se revisite jeune, fasciné par l'avancée de l'industrie automobile. Sa chance d'avoir renconré Fangio à Francorchamps. Tout était alors mécanique dans la voiture, l'électronique n'existait pas. Les garages étaient des lieux vivants. Le marcheur pense à ce qui a été un progrès et a dérapé en produit de consommation, entraînant aussi la raréfaction des transports en commun.
Ne faudrait-il pas se déplacer autrement, s'interroge encore le promeneur, quitte à perdre le plaisir égoïste de rouler? Le réchauffement climatique est là. Et si l'arrêt et l'isolement nés de la crise sanitaire étaient une occasion de faire autrement désormais? Au fil des neuf kilomètres, la promenade du marcheur se ponctue aussi de souvenirs, marques de voiture bien entendu, séances de réparation de vieilles 2CV mais aussi de scènes de films d'anthologie, d'émissions de radio et de disques de l'époque. Une nouvelle à la nostalgie heureuse qui veut bousculer nos jours pour nous assurer un avenir. "Adios, Fangio" se lit d'une traite et touche délicatement.