Les vieux ne parlent plus Vincent Engel
Ker éditionsParution : 19 août 2020Pages : 200ISBN 978-2-87586-273-0Prix ; 18 €Présentation de l'éditeur
Les pandémies avaient d’abord décimé les vieux. C’était triste, bien sûr, mais somme toute… Somme toute, c’est le mot. Le décompte pouvait être rentable. Sauf que les virus ne se laissent pas commander par des logiques politiques. Et puis, après la régression économique effroyable qui avait suivi la première grande pandémie, les gens s’étaient dit qu’à l’avenir, ils préféreraient sans doute sacrifier les vieux que leurs revenus personnels…
Avec 30 % de plus de 60 ans et une population active réduite à la portion congrue, le gouvernement décide d’établir une politique, volontariste mais discrète, de gestion des seniors. C’est ainsi que naissent les VSA, Villages de Santé pour Aînés où, moyennant la gestion par L’État de l’ensemble de leurs biens, les pensionnaires voient leurs besoins quotidiens pris en charge. Mais qu’adviendra-t-il d’eux lorsque leur patrimoine ne suffira plus à financer leurs soins ?
Inspirateur de ces structures et de leur cadre légal, Maître Alexandre Geoffroy est chargé d’en assurer la promotion. Mais entre ses activités douteuses d’avocat spécialisé dans la gestion de patrimoine et sa volonté de prendre soin de sa vieille mère dans les meilleures conditions, le grand écart devient vite intenable. Bientôt, le piège se referme…
Vincent Engel
Portrait : Tomasz RossaProfesseur de littérature contemporaine à l'Université catholique de Louvain (UCL) et d'histoire contemporaine à l'IHECS, il a écrit de nombreux essais, romans, nouvelles ou pièces de théâtre. Il est aussi critique littéraire et chroniqueur ; à ce titre, il a collaboré avec Le Soir, Victoire (supplément hebdomadaire du Soir) et Mint en radio. Depuis 2014, il collabore avec La Première, en tant que chroniqueur au sein de l'équipe de l'émission CQFD.
Chez Ker, il est l'auteur de nombreuses pièces de théâtre, d'un essai ainsi que de plusieurs romans, comme Les vieux ne parlent plusAlma Viva, Mon voisin, c'est quelqu'un Raphael et Laetitia, Les Diaboliques et Et dans la forêt, j'ai vu. Il a également participé aux recueils collectifs Le peuple des lumières, dans lequel une quinzaine de voix majeures de la littérature francophone aident un public adolescent à mieux comprendre le monde qui les entoure à travers la fiction ainsi qu'à L'heure du leurre, ouvrage consacré au populisme et à la démagogie.
Mon avis
Alexandre Geoffroy est avocat, il est "exécuteur de vie", ses clients lui confient la gestion de leurs comptes, de leur personne, de leur cadre de vie. Il leur garantit des soins de santé adaptés à leurs revenus et à leur état pour leur apporter une qualité de vie digne et décente. Un compte rendu est à établir chez le juge de manière régulière. Il a élaboré un logiciel permettant d'évaluer quotidiennement la qualité de vie de chacun de ses clients. C'est comme ça qu'il gagne sa vie.
Nous sommes dans un monde qui a changé, où un excès de vitesse est punissable de prison, où les campagnes sont désertées, un monde qui a subi des pandémies et où les vieux sont de plus en plus nombreux - il y a plus de 30 % de plus de 60 ans - la population active est réduite et la régression économique est énorme.
Le gouvernement, avec l'aide de Maître Geoffroy a décidé de mettre en place une politique volontariste de gestion des seniors avec la naissance des VSA - entendez par là Village de Santé pour Aînés. Moyennant la gestion de leurs biens par l'État, chaque pensionnaire est en droit de recevoir les soins et les loisirs adéquats. Très bien, me direz-vous, mais qu'adviendra-t-il lorsque les capitaux seront épuisés ?
Maître Geoffroy est invité dans l'émission télé de la célèbre Lise Charcot pour mettre en avant ce qu'il a aidé à mettre en place. Face à lui Pierre Rambaud, défenseur des droits humains , président de la défense des personnes âgées qui dénonce ce plan, parlant de "suicides" des aînés.
Le monde n'est plus le même, l'Europe se détricote, les nationalistes sont de plus en plus présents, la dette publique est gigantesque, les pandémies et les virus incontrôlés, cela amènerait-il le gouvernement à sacrifier les vieux? La démocratie deviendrait-elle une dictature douce ? La politique des vieux serait-elle "géri-active" en planifiant leur fin en même temps que celle de leurs revenus ? Toute une série de questions qui surgissent à la lecture, un roman qui interpelle et pose énormément de réflexions sur notre société.
L'écriture est dynamique. Cela se lit comme un thriller, une fiction ou une réalité proche?
C'est passionnant, interpellant, captivant et c'est belge ! Ecrivain et éditeur.
A découvrir.
Ma note : 9.5/10
Les jolies phrases
Tant que l'équilibre entre les soins requis et la qualité de vie est positif, tout est fait pour maintenir l'aîné en parfaite santé, et ce sur tous les points, y compris la vie sociale et les activités culturelles, car nous savons combien cela compte. Mais si la souffrance pèse plus lourd, alors dans le plus parfait respect des individus, et avec leur accord, nous procédons à une ...- À un meurtre ! rugit Rambaud
C'est comme l'immigration ; il est facile d'être tolérant quand on ne doit rien supporter au quotidien. Les grands principes ! Les gens n'y croient plus, Rambaud; ils veulent qu'on prenne en charge leurs problèmes quotidiens. Qu'on leur assure la sécurité et le confort auxquels ils ont droit.
Je vous ressers un peu de ce vieil armagnac ? L'alcool qui me ressemble le plus ! Vieux, très vieux, mais très jeune encore, puissant et ... maniaque !
Ce n'est pas à toi que je vais apprendre que ce n'est pas parce qu'on n'est pas inquiet qu'il n'est pas intéressant d'inquiéter les gens. Les gens acceptent tout, dès que tu parles de sécurité.
Ce serait comme un végétarien qui ferait une campagne pour la viande de bœuf.
Ces pandémies ont d'abord décimé les vieux. C'était triste, bien sûr, mais somme toute... "Somme toute", c'est le mot. Le décompte pouvait être rentable. Sauf que les virus ne se laissent pas commander par des logiques politiques. Et puis, après la régression économique effroyable qui a suivi la première grande pandémie, les gens se sont dit qu'à l'avenir, ils préfèreraient sans doute sacrifier les vieux que leurs revenus personnels...
Depuis que les politiques ont confié leur communication à des publicitaires, une vérité est apparue, mais que tout le monde refuse de voir : la politique n'est plus qu'un produit comme un autre. L'emballage compte plus que le contenu ou, pire : il masque le contenu réel.
Beaucoup trop de vieux, pas assez de jeunes, lesquels vont vieillir prématurément s'ils doivent prendre en charge tous ces êtres en charge tous ces êtres improductifs ! Il y a un siècle ou deux, les vieillards étaient une denrée rare, on pouvait les respecter ; mais le respect, cela répond aux mêmes impératifs que le marché, pas vrai ? L'offre et la demande. Trop de vieux tue le respect, non ? Vous organisez la pénurie et vous réintroduisez la respectabilité et le mérite, lesquels sont liés à la fortune, comme cela se doit depuis l'aube de l'humanité. Dans "mérite", j'ai toujours entendu "hérite!
Ce qu'il avait mis en œuvre, la société l'exigeait. Ce n'était que la concrétisation d'un égoïsme croissant et d'une peur de se démunir au profit des gens qui ne servaient plus la société.
Était-ce vraiment aussi simple ? Les gens ne supportaient pas de se tromper. Et être trompé, finalement, était d'abord la conséquence d'une erreur personnelle : celle qui consiste à faire confiance. On ne devrait jamais faire confiance à personne, sauf pour des questions sans importance.
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