La nouvelle - Cassandra O'Donnell


La nouvelle - Cassandra O'DonnellLa nouvelle, Cassandra O’Donnell
Editeur : Flammarion jeunesseNombre de pages : 126
Résumé : Haya et sa famille viennent de Syrie. Ils ont dû fuir la guerre et se sont donc rendus en France, dans un village breton. Haya entre au collège et doit faire face à la méchanceté et au racisme de certains collégiens. Heureusement, son nouvel ami Gabriel la soutient et lui permet de vivre plus sereinement son arrivée dans ce nouveau pays.
- Un petit extrait -
« Ils ne veulent pas de nous....ils pensent qu'on est venus ici pour de mauvaises raisons, ils croient que nous avons le choix...mais le seul choix qu'on a fait, c'était celui de ne pas mourir...  »
- Mon avis sur le livre -
Comme bien d’autres lecteurs, j’entretiens une relation assez complexe avec ma faramineuse pile à lire : je l’aime autant que je la déteste. Je l’aime car elle est pleine de promesses : que d’histoire encore à découvrir, que d’aventures inconnues à vivre ! Mais je la déteste car je suis complétement dépassée par son expansion incontrôlable. Il me semble parfois qu’elle est l’objet d’une malédiction infernale : à chaque fois que je lis un livre, il y en a deux autres qui font leur apparition, et j’ai alors le sentiment que je ne parviendrais jamais à lire tous les livres qui attendent patiemment leur tour sur les étagères de mes toujours plus nombreuses bibliothèques … C’est pourquoi parfois, pour conjurer le sort, je me tourne vers de touts petits livres : ils se lisent suffisamment vite pour que j’ai l’impression de faire baisser un tantinet cette monstrueuse pile à lire qui menace parfois de s’effondrer sur moi et de m’ensevelir sous des tonnes de livres mécontents de ne toujours pas être lus !
C’est toujours difficile d’arriver en cours d’année dans un établissement scolaire. Cela l’est d’autant plus pour la jeune Haya qu’elle n’est pas seulement « la nouvelle », mais surtout « l’étrangère ». Petite réfugiée syrienne parachutée dans un collège breton, Haya ne parle pas encore parfaitement bien le français, et cauchemarde chaque nuit des bombardements, des morts, des hurlements … Et comme si cela n’était pas suffisant, elle doit également faire face au mépris de ses camarades de classe, qui ne veulent pas d’elle « chez eux ». Heureusement, il y a Gabriel. Gabriel qui n’hésite pas une seule seconde à se dresser contre ses camarades de classe pour la défendre. Gabriel qui l’aide chaque jour à progresser en français et à faire ses devoirs. Gabriel qui devient très rapidement son seul et meilleur ami. Mais l’adolescent a lui aussi bien des tracas : sa grand-mère se comporte étrangement ces derniers temps. Elle semble triste, comme perdue dans un autre monde … ou une autre époque dont il ne sait rien.
Qui aurait cru qu’un si petit livre pouvait être aussi riche, profond et puissant ? Je l’ai lu en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, toute étonnée de déjà tourner la dernière page alors que je venais d’ouvrir le livre, mais je pourrais en parler pendant des heures tant il y a de choses à dire au sujet de ce minuscule petit récit ! Destiné au jeune lectorat – je dirais du CM à la cinquième environ –, ce bref roman aborde des thématiques ô combien actuelles et délicates : la guerre en Syrie et l’accueil réservé aux réfugiés dans notre pays. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la « fraternité » prônée par notre devise nationale est très loin d’être au rendez-vous. Car est-ce véritablement fraternel de cracher à une petite fille de rentrer chez elle car on ne veut pas d’elle, alors que chez elle, c’est la guerre, la mort ? Le contraste entre la petite Haya, au cœur plus gros qu’elle, et ses camarades de classe, haineux et cruels, est bouleversant … et révoltant. Comme si la pauvre enfant n’avait pas vécu suffisamment d’horreurs dans sa courte, il faut en plus qu’elle subisse ce racisme ordinaire mais ô combien inhumain. J’ai eu tellement de peine pour la petite Haya, et cela d’autant plus qu’on sait tous pertinemment que ce n’est pas une simple fiction : c’est encore plus insupportable !
Fort heureusement, tout n’est pas si sombre : Haya rencontre Gabriel, un adolescent ordinaire mais autrement plus accueillant que ses autres camarades de classe. Là où les autres enfants déversent intolérance et malveillance, Gabriel fait régner l’amitié et la solidarité : il va tendre la main à Haya, au lieu de lui tourner le dos, il va se dresser à ses côtés face à ceux qui ont fait d’elle leur bouc émissaire, la fille à abattre parce qu’elle est étrangère. Gabriel, c’est ce petit héros du quotidien, celui qui n’hésite pas à affirmer haut et fort ne pas être d’accord avec la majorité, celui qui se bat pour la justice et la bienveillance, celui qui lutte contre la haine et la violence. Gabriel redonne foi en l’humanité, il prouve que tout n’est pas encore perdu et qu’il y a peut-être encore un peu d’espoir pour l’avenir : il existe encore des cœurs suffisamment grands pour penser aux autres, pour aider les autres. Pour aimer les autres, dans ce monde où chacun se replie sur lui-même en rejetant sans sommation ce qu’il ne connait pas. Gabriel, c’est l’exemple à suivre, un modèle pour tous les jeunes lecteurs qui découvriront ce petit roman : il ne fait aucun doute qu’ils ne pourront qu’être touchés par l’histoire de la pauvre Haya, et qu’ils ne pourront que voir en Gabriel un petit garçon incroyablement courageux qu’on a envie d’imiter !
Je ne peux pas achever cette chronique sans évoquer ce que je considère être le second fil rouge de ce petit roman : il ne s’agit pas uniquement d’une magnifique histoire d’amitié, mais aussi d’une très belle histoire de famille. En effet, il est également question de la relation pour le moins houleuse entre Gabriel et son frère ainé, le chouchou de son père car il est champion de natation alors que Gabriel n’est qu’un enfant « quelconque ». Ni l’un ni l’autre n’est prêt à faire le premier pas pour apaiser la situation : Mathias est bien trop fier pour cela, et Gabriel ne se sent pas à la hauteur … Petit à petit, cependant, les deux garçons vont apprendre à se connaitre, et à nouer enfin ce lien fraternel qui leur faisait tant défaut : c’est très mignon, ça fait du bien au moral. J’ai également énormément apprécié l’histoire qui tourne autour de leur grand-mère et de ses secrets : au fur et à mesure qu’elle se dévoile, qu’elle se replonge dans ses douloureux souvenirs qu’elle avait préféré cacher bien au fond de sa mémoire pour se concentrer sur le doux présent, on découvre que l’histoire se répète … C’est très émouvant !
En bref, vous l’aurez bien compris, ce roman a beau être minuscule, il n’en est pas moins vraiment superbe ! C’est une véritable ode à la tolérance, un véritable appel à la bienveillance, une invitation à ne jamais se laisser guider par la haine et les préjugés. C’est un livre aussi dur que doux : il est dur car il met en scène ce racisme du quotidien, il est doux car il met en évidence la bonté dont peut faire preuve l’être humain. C’est un roman vraiment touchant, bouleversant, émouvant, qui m’a fait passer un excellent moment de lecture. A mes yeux, c’est un ouvrage qui devrait être lu par tout le monde : les enfants en premier lieu, pour les sensibiliser à la question de la tolérance et de la bienveillance, et leur faire découvrir « autrement » la réalité de la guerre … mais aussi les adultes, car notre société est vraiment gangrénée par cette haine de l’autre qui nous empêche de voir la souffrance inexprimables de ces hommes, ces femmes, ces enfants, qui ont fui l’enfer de la guerre pour tomber dans celui de la misère. Un petit roman d’utilité publique, qui se lit vite et bien et qui porte en peu de pages bien plus de messages que de longs pavés indigestes ! Une vraie pépite de la littérature jeunesse !