La belle lumière, Angélique Villeneuve, Le passage, Août 2020, 236 pages
Helen Keller, tout le monde la connaît, a lu un livre sur elle, ou son récit autobiographique, ou une BD. Son histoire extraordinaire est un sujet d’étude fabuleux et incite à réfléchir à la notion de handicap.
En revanche, personne n’avait encore osé raconter cette histoire du point de vue de la mère, Kate, celle qui a sûrement le plus souffert de cette situation. Angélique Villeneuve l’a fait.
C’est un sacré pari de raconter une biographie selon un angle tout à fait fictif, puisqu’on ne sait rien de ce qu’a vécu réellement la mère d’Helen. Ses émotions, ses craintes, ses espoirs, sa jalousie vis-à-vis d’Annie Sullivan, l’auteure en a fait sa matière, elle les a façonnés à sa main, avec ses mots, ses phrases et j’avoue que le résultat est plutôt réussi.
Certes, l’auteure s’est appuyée sur des faits véridiques, mais il a fallu qu’elle se mette dans la peau de ce personnage pour rendre ce texte personnel, pour lui donner ce regard si particulier et si éclairant. L’accent est mis sur les sensations, sur ce que cette mère éprouve à chaque fois que sa fille fait ou ne fait pas, à chaque fois qu’elle malmène son monde, qu’elle tyrannise son entourage. C’est presqu’un livre tactile, tellement on perçoit nous-mêmes les choses comme si nous touchions cette petite fille, comme si nous recevions des coups de griffes suivis de coups d’amour.
L’amour pour sa fille transpire par tous les pores des lettres et des mots, il est envahissant.
Kate est déterminée à sauver sa fille, à faire d’elle un être humain et non un phénomène de foire que d’aucuns voudraient voir enfermée.
J’avoue avoir eu du mal à passer les trente ou quarante premières pages, je n’arrivais pas du tout à m’accorder aux mots, ils ne provoquaient aucune émotion en moi, j’en étais consternée. Et puis peu à peu, c’est venu, malgré moi. Il faut se laisser prendre par la main et vivre à la fin du XIXème siècle dans un Sud marqué par la guerre de Sécession, au milieu des noirs ayant gagné une fausse liberté, et des hommes blancs sûrs de leur bon droit. Il faut se laisser envahir par l’amour d’une mère pour sa fille.
Merci à Masse critique et aux éditions Le passage